À moins de deux semaines de l'élection présidentielle américaine, Barack Obama conserve l'avance dans les sondages nationaux. Le plus bas différentiel s'établit à 4% (Rasmussen Reports, hier). Mais d'autres ont grimpé largement au-dessus des 10%. Il est aussi en avance dans la plupart des États où la Maison-Blanche va se jouer. Exemple: la Floride, par deux points. Mais les sondages n'en sont pas moins fluctuants, montrant la volatilité de l'opinion publique. Dans les faits, le candidat démocrate est loin d'être assuré de la victoire. Et, chose sûre, ce ne sera pas un raz-de-marée.

Pourquoi diable en est-il ainsi?

Car, vue de l'étranger (et le sondage mondial publié récemment par La Presse l'a bien démontré), la cause semble entendue.

Après huit ans d'une administration qui est allée d'une catastrophe à une autre (l'Irak, et Wall Street, et Katrina, et la dette publique, et le statut de l'Amérique dans le monde, et le déclin de la classe moyenne, et...), il n'existe apparemment pas de raison concevable pour voter à nouveau républicain. Et, à nos yeux encore, le tandem John McCain-Sarah Palin, un homme campé dans le passé et une femme dépourvue de compétence, n'offre aucune raison non plus qui puisse justifier leur victoire.

Pourtant, pourtant...

Chacun le redoute: «l'éléphant dans la pièce» risque d'accompagner beaucoup d'électeurs dans l'isoloir. On sous-estime le pas gigantesque que l'Américain blanc devra faire pour prêter la Maison-Blanche à un Noir. Racisme? Sans doute, comme partout ailleurs. À quand, un chef d'État d'origine maghrébine à l'Élysée? Ou indienne au 10, Downing Street?... Mais il y a aussi l'Histoire, qu'on ne réécrit pas, très lourde de conflits raciaux qui ont laissé des marques indélébiles.

En fait, l'étonnant est plutôt que des électeurs blancs avouant leurs préjugés à l'endroit des Afro-Américains «avaleront leur salive et voteront pour un Noir», lit-on dans Politico.com sous le titre: «Des racistes pour Obama»!

Mais ce n'est pas tout.

D'abord, la réalité réelle, pour ainsi dire, peut se révéler assez différente de la réalité médiatique, un peu comme il existe une économie réelle et une autre... La très grande sympathie dont jouit Barack Obama dans les grands médias américains n'est pas sans danger. Les gens se méfient d'eux, en effet, et n'apprécient pas se faire dicter leur comportement par les élites du verbe. (Ici, par exemple, lors des dernières élections fédérales, un battage monstre contre les conservateurs et un plus monstrueux encore pour la cause de l'environnement ont plutôt produit le contraire de l'effet recherché...)

Ensuite, aux États-Unis plus qu'ailleurs, l'appartenance à un parti est un élément constitutif de l'identité personnelle et de la place que chacun souhaite occuper dans la société, y compris chez les plus humbles. Le Grand Old Party, le parti d'Abraham Lincoln, est une vénérable institution commandant au sein de larges couches de la population une fidélité sans faille. Laquelle, de l'étranger encore, pourra dans les circonstances paraître irrationnelle, mais n'en existe pas moins.

Enfin, le fait est qu'Obama a peu d'expérience pour accéder à la fonction qu'il convoite. On l'avait vaguement oublié depuis l'irruption dans la campagne de Sarah Palin, mais cela demeure un argument qui peut raisonnablement être invoqué contre lui.

Au total, on voit bien que la candidature de Barack Obama présente à la nation américaine un défi sans précédent.

Mais il est déjà arrivé à celle-ci de beaucoup oser.

mroy@lapresse.ca