Au plus jeune, il manque encore des crocs. Le plus âgé finasse mais n'impressionne pas. Plus de 60 millions d'Américains se sont branchés, vendredi soir, sur le premier débat entre Barack Obama et John McCain. Ce fut un affrontement intelligent, sans moments forts ni faux pas, que, par la mathématique de la moyenne, on peut considérer comme un match nul.

Néanmoins, l'événement a révélé beaucoup sur les deux candidats à la présidence.

D'abord, le fait même que le débat ait eu lieu, après la valse-hésitation de McCain au cours des 48 heures précédentes, indique ceci: réalisant s'être gouré, le candidat républicain a préféré couper court à son errance entre le Congrès et la Maison-Blanche... où il aurait davantage nui qu'aidé à l'élaboration du plan de sauvetage de 700 milliards US des institutions financières, toujours sur la planche à dessin.

 

John McCain a lourdement manqué de jugement dans cette affaire. Mais, une fois monté sur la scène de l'Université du Mississippi, Barack Obama, lui, n'a pas manifesté la pugnacité qu'il aurait fallu pour confondre son vis-à-vis à ce sujet.

Le vieux renard sort donc indemne d'un sérieux accident de parcours. Et le jeune loup a raté l'occasion d'ouvrir le face-à-face de vendredi par une attaque qui l'aurait légitimement placé en position de force.

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On pourrait analyser de cette façon, en soupesant les efforts tactiques de l'un et de l'autre, un débat qui paraîtrait alors inégal.

Le républicain a en effet eu le dessus à ce point de vue, puisant dans son expérience des joutes partisanes et dans l'acquis de ses pérégrinations sénatoriales, projetant l'image rassurante du vieux sage qui a beaucoup vécu et beaucoup vu. (Qu'il ait trébuché sur les patronymes des chefs d'État iranien et pakistanais est assez peu important.) Il a attaqué son adversaire sur des points de détail, certes, mais pas futiles. Il n'a rien admis, rien concédé.

Cependant, John McCain n'a rien livré non plus qui ressemble à une vision globale, ni de l'économie, ni de la place des États-Unis dans le monde.

La force de Barack Obama apparaît alors. Notamment parce qu'il n'est pas ligoté par le passé, le démocrate possède cette vision. Il l'a exposée sans l'enflure oratoire qui caractérisait ses discours antérieurs (ah! Berlin!), mais plutôt avec pragmatisme en ce qui concerne le plan de redressement financier; avec perspicacité sur les conséquences de l'erreur irakienne et du quasi-désistement en Afghanistan.

Au surplus, Obama a été élégant. Peut-être trop...

À moins de 40 jours de l'élection présidentielle, il reste nombre d'étapes à franchir. La campagne deviendra de plus en plus dure. Il y aura d'autres confrontations McCain-Obama. Et, ce jeudi même, le duel entre Joe Biden et Sarah Palin, laquelle apparaît de plus en plus comme une autre erreur de McCain et un véritable accident en attente de se produire...

Pour vaincre la machine républicaine, il ne suffira pas à la meute démocrate, et à Barack Obama en particulier, d'avoir une vision.

Il faudra aussi des crocs, des vrais.