Contre toute attente, le ciel a été bleu et clair au-dessus de Pékin pendant les Jeux, parce qu'on y a pris des mesures extraordinaires temporaires bannissant en partie l'automobile, la construction, l'industrie. Mais comment sera le ciel de Pékin, demain?

Demain aussi, de quelle couleur sera l'horizon politique du Parti communiste chinois? Et quelle force atteindra la véritable tornade de changement qui souffle déjà sur la société civile - si une telle expression a un sens dans un pays de 1,3 milliard de citoyens dont les uns manient la houe, les autres le iPhone?À ces questions, il n'y a pour l'instant pas de réponses. Mais on peut tout de même dégager une ou deux certitudes.

La première est que, dans huit jours, on ne parlera plus du Tibet ni, dans 15, des accrocs aux droits pendant les Jeux. Pourquoi? Parce que les médias sont des pit-bulls à voile et à vapeur. Leur mâchoire est puissante, mais elle lâche prise dès que tourne le vent ou que monte la pression pour aller mordre ailleurs (les célébrités dites engagées, abonnées au forfait «rent-a-cause», sont d'une race cousine).

Par contre, va demeurer ceci: la nation chinoise trois fois millénaire est remontée pour y rester sur le podium réservé aux très grandes puissances.

Certes, on connaissait sa force militaire et son miracle économique. Mais une très grande puissance possède autre chose encore: une culture forte et extravertie. C'est à ce point de vue que les Jeux ont fait faire à la Chine un grand bond en avant.

Être culturellement puissant consiste à avoir accepté sa singularité; à la projeter dans le monde; à accueillir l'étranger; à créer, construire, faire, oser, risquer; à maîtriser les outils qu'offrent la science et la technologie - ceux de la modernité, en somme. La Chine en est là aujourd'hui. Dans une cité qui a changé à un rythme inédit dans l'Histoire, elle a réussi à tenir avec une absolue perfection la manifestation internationale la plus complexe qui soit. La cérémonie d'ouverture des Jeux a été non seulement un éden de beauté ainsi qu'un exploit technique et humain, mais surtout une proclamation solennelle: «Nous voici. Voici ce que nous sommes. Voici ce que nous avons à offrir au monde». Non seulement sous la grande noirceur maoïste, mais même en remontant loin dans les siècles passés, jamais la Chine ne s'était dévoilée de cette façon.

Cela dit, au lendemain des Jeux, le pays demeure communiste et autoritaire.

Rappelons qu'il n'y a jamais eu de sortie en douceur du communisme (l'URSS et ses satellites en ont été éjectés par implosion brutale). Or, la Chine est parvenue en 20 ans à inventer une «décommunisation» fonctionnelle de l'économie et, très largement, de la vie privée - sans parler d'un détail: l'abandon du massacre de masse comme outil de contrôle social. À l'échelle de l'Histoire, c'est une avancée proprement stupéfiante.

Que voudra faire ensuite l'oligarchie chinoise? En fait, la vraie question est plutôt: que pourra-t-elle faire?