Pour Carles Puigdemont, le président destitué de la Catalogne, l'affaire est entendue.

Le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy est profondément antidémocratique et cherche, par une « brutale offensive juridique », à faire oublier la légitimité de la démarche indépendantiste qu'il cha-peautait jusqu'à la suspension de l'autonomie de la région, il y a deux semaines.

L'incarcération en Espagne de huit de ses ex-ministres et le mandat d'arrêt lancé à son encontre constituent un « outrage colossal » qui aura de lourdes conséquences pour sa région et le pays, prévenait le politicien lundi dans une lettre ouverte écrite de Belgique, où il s'est réfugié.

La déclaration évacue les responsabilités des élus indépendantistes dans la crise, mais pointe à juste titre les excès de Madrid, qui pousse son approche répressive bien au-delà du raisonnable.

Le gouvernement espagnol maintient que M. Puigdemont est celui qui bafoue la démocratie. Et que la tenue d'un référendum, durement réprimé par la police espagnole, ainsi que la déclaration d'indépendance unilatérale, formellement annulée hier, constituent un grave affront constitutionnel justifiant le dépôt d'accusations de « rébellion », de « sédition » et de « détournement de fonds publics » susceptibles d'aboutir à de lourdes peines de prison.

Le premier ministre Rajoy, qui privilégie la ligne dure face aux indépendantistes depuis des années, a reçu un appui quasi inconditionnel de ses homologues européens lorsqu'il a décidé de chasser du pouvoir le gouvernement catalan et d'imposer de nouvelles élections régionales.

La croisade judiciaire à l'encontre des leaders indépendantistes catalans n'a pas suscité non plus de levée de boucliers au sein de l'Union européenne.

La discrétion embarrassée des élus du continent ne rend pas service au gouvernement espagnol, qui aurait intérêt à travailler sur un scénario de sortie de crise viable plutôt que de poursuivre une approche aveuglément musclée qui risque au demeurant de torpiller ses propres objectifs.

Bien que la population locale demeure plus que jamais divisée sur l'avenir de la Catalogne, les procédures engagées par la justice espagnole contre les dirigeants indépendantistes sous le regard approbateur de Madrid sont susceptibles de galvaniser leurs partisans à l'approche du scrutin du 21 décembre.

Le gouvernement espagnol espère que les partis de la coalition que chapeautait M. Puigdemont sortiront perdants du vote, mais les plus récents sondages indiquent que le pouvoir demeure pour eux à portée de main.

Il est possible que la Catalogne se retrouve encore une fois après les élections avec une majorité d'élus indépendantistes et que le dialogue de sourds qui a mené aux dramatiques rebondissements des dernières semaines reprenne de plus belle.

La tenue d'échanges constructifs permettant de déboucher sur un nouvel équilibre des pouvoirs entre le gouvernement central espagnol et les régions paraît difficilement imaginable à ce stade tant les tensions sont vives.

Il n'y a cependant guère de solutions de rechange à la crise, comme le rappelait récemment à Montréal le président du Pays basque espagnol, Iñigo Urkullu, qui presse l'Espagne de « reconnaître l'existence de réalités nationales différentes » en révisant son modèle étatique.

Les barreaux et le silence européen ne feront pas disparaître les revendications autonomistes. Madrid devrait en prendre acte.

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