Dans une publicité que vient de lancer CNN pour faire sa promotion, le narrateur souligne que la pomme que l'on voit à l'écran n'est pas une banane.

On peut affirmer et affirmer encore qu'il s'agit d'une banane, voire convaincre quelques personnes de cette absurdité en la répétant ad nauseam, mais le fruit représenté demeure une pomme, souligne- t-on en insistant sur l'importance de placer les « faits d'abord ».

Dans un contexte normal, un tel rappel semblerait superflu, mais il en va autrement face aux attaques répétées du président américain Donald Trump, qui ne cesse de présenter la chaîne comme un pourvoyeur de « fausses nouvelles », généralement sans prendre la peine d'étayer ses dires.

Le New York Times, autre cible de prédilection du politicien, insiste aussi publiquement par les temps qui courent sur l'importance de son rôle dans la recherche des faits.

Afin de ne pas prêter flanc aux critiques qui l'accusent de manquer d'objectivité, le prestigieux quotidien a récemment rappelé à son personnel qu'il fallait faire preuve de la plus grande retenue dans l'utilisation des réseaux sociaux.

« Si nos journalistes sont perçus comme biaisés ou qu'ils s'avisent de faire des commentaires éditoriaux sur les réseaux sociaux, ils peuvent miner la crédibilité de toute la salle de nouvelles », indique le guide de conduite de l'organisation, qui se veut extrêmement contraignant.

Il y a peu de chance que les efforts de ces médias pour défendre la qualité de leur couverture aient raison des attaques émanant des cercles conservateurs américains.

Une récente étude du Reuters Institute indique que les États-Unis ont l'environnement médiatique le plus polarisé du monde occidental. Et que les électeurs de droite sont particulièrement sceptiques face aux médias dans le collimateur de Donald Trump.

Une équipe de chercheurs de l'Université Harvard qui a analysé la couverture de la campagne présidentielle de 2016 relevait récemment que les médias de droite les plus influents au pays, Fox News et Breitbart, sont résolument plus partisans que leurs équivalents de gauche, encore largement attachés aux « traditions et aux pratiques de l'objectivité journalistique ».

L'un des ténors de Breitbart, Matthew Boyle, a déclaré en juillet dans un discours à l'emporte-pièce que les dirigeants du New York Times, de CNN, et d'une kyrielle d'autres grands médias « se mentaient à eux-mêmes » en prétendant être objectifs.

Il espère carrément les voir disparaître au profit d'organisations clairement partisanes comme la sienne qui préfèrent « afficher ouvertement leurs biais personnels » et traiter l'information en conséquence.

L'émergence d'un environnement médiatique dans lequel l'objectivité serait vue comme une sorte d'anachronisme rendrait sans doute service à Donald Trump puisqu'elle faciliterait ses efforts pour écarter toute révélation embarrassante comme une invention.

Elle serait cependant lourde de conséquences pour la population, qui a déjà fort à faire pour départager le vrai du faux dans un déluge d'informations provenant de sources multiples de qualité hautement variables.

Il faut, pour qu'un dialogue social constructif soit possible, qu'un certain consensus puisse s'établir quant aux faits. Et qu'une pomme demeure une pomme quelle que soit la personne qui parle.

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