Le ministre des Finances de l'Allemagne, Wolfgang Schäuble, a de la suite dans les idées.

Le politicien avait confié à l'été 2012 à l'ex-secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner, que l'idée d'exclure la Grèce de la zone euro était sérieusement envisagée.

Une telle démarche, a-t-il souligné, serait « suffisamment traumatisante pour convaincre le reste de l'Europe de sacrifier plus de souveraineté » et permettre une union fiscale et bancaire plus forte.

M. Geithner, qui relate l'épisode dans le livre Stress Test, maintient qu'il a été secoué par le scénario. D'autant plus que des élus européens avaient évoqué quelques années plus tôt devant lui leur volonté de châtier la Grèce pour ses errements budgétaires en évoquant une justice inspirée tout droit de « l'Ancien Testament ».

Ces considérations punitives et stratégiques étaient bien en évidence la fin de semaine dernière alors que l'Eurogroupe, avec M. Schäuble en maître d'orchestre, a mis le gouvernement d'Alexis Tsipras au pied du mur.

Le premier ministre grec devait soit accepter que son pays quitte la zone euro pour cinq ans, en profitant de l'occasion pour restructurer son écrasante dette, soit faire entériner, en quelques jours, une série de réformes draconiennes en vue de pouvoir formaliser un nouveau plan d'aide de près de 90 milliards d'euros.

Le dirigeant grec avait cru, grâce à un référendum dans lequel la population de son pays a massivement refusé des mesures moins sévères, pouvoir forcer la main de ses homologues européens.

C'était mal juger la détermination des tenants de la rigueur qui ont obtenu, sur papier, une quasi-tutelle du pays pour les années à venir et la mise en coupe d'actifs valant 50 milliards d'euros.

M. Tsipras - qui évoque la volonté des Grecs de demeurer dans la zone euro pour justifier sa volte-face - n'aura pas la tâche facile aujourd'hui pour faire accepter par le Parlement des réformes que l'hebdomadaire allemand Der Spiegel décrit comme un « catalogue des horreurs ».

D'autant qu'il n'a rien obtenu de plus sur la question cruciale de la dette qu'une hypothétique promesse de réaménagement des échéances de paiement.

Même Wolfgang Schäuble a convenu la semaine dernière, en écho aux mises en garde du Fonds monétaire international (FMI), que la dette de 320 milliards d'euros de la Grèce est « insoutenable ». Il avait cependant précisé, du même souffle, que son effacement partiel n'était pas possible au sein de la zone euro, suggérant que le « Grexit » était la seule voie réaliste.

Ce n'est pas celle qui a été choisie. Il apparaît difficile dans le contexte de conclure que l'entente annoncée fait autre chose que pelleter le problème en avant. Et les écueils potentiels ne manquent pas pour la faire dérailler.

Quoi qu'il advienne, la construction européenne sort affaiblie des négociations. Notamment parce que l'on sait maintenant que l'entrée dans la zone euro n'est plus irréversible. Et que les pays qui veulent y rester doivent se soumettre à une orthodoxie rigoriste sous peine d'être brutalement rappelés à l'ordre, quoi qu'en pensent les populations concernées.

La réponse apportée à la crise grecque est, dans le meilleur des cas, une victoire à la Pyrrhus pour l'Allemagne. Dans le pire des cas, une illusion.

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