Les jeunes femmes sont-elles en train de conquérir l'un des derniers bastions masculins du show-business ? À en croire le succès des nouvelles venues en humour, nous sommes au seuil d'une nouvelle ère comique au Québec. Portée par un vent de découverte, une génération de jeunes femmes fortes, dynamiques, talentueuses prend rapidement sa place sur la scène de l'humour.

Ces comédiennes s'appellent Mariana Mazza, Virginie Fortin, Katherine Levac, Rosalie Vaillancourt, Florence Longpré... Elles abordent plusieurs sujets et enjeux sans tabous ni complexes. Et elles ont beaucoup de succès auprès d'un public large et varié.

Bien sûr, ces jeunes humoristes ne font pas encore partie du panthéon de l'humour québécois. Il y a peu de chance qu'on leur demande d'animer le prochain Gala Les Olivier. Elles ne figurent pas parmi les têtes d'affiche du prochain Festival Juste pour rire (on ne compte qu'une seule femme sur la liste des 14 coanimateurs des galas francophones : Cathy Gauthier).

Or, si l'humour est encore un sport extrême pratiqué largement par les gars, ici comme aux États-Unis, plus personne n'oserait affirmer - tels, jadis, Jerry Lewis ou l'auteur Christopher Hitchens - que les femmes ne sont pas drôles.

Aujourd'hui, les Tina Fey, Amy Poehler et Sarah Silverman sont bien installées à Hollywood. La coqueluche de Comedy Central, Amy Schumer, ne se gêne pas pour retourner les blagues sexistes contre les machos. Dans un sketch hilarant pour son émission, l'humoriste parodie la pièce de Reginald Rose, Douze hommes en colère. On y reprend le texte (et les plans du film) presque intégralement, en modifiant l'acte d'accusation. Les 12 jurés n'ont plus à se prononcer sur la culpabilité d'un meurtrier, mais plutôt sur cette question sexiste : Amy Schumer est-elle assez attirante (« hot ») pour avoir son show à la télévision ? !

Séduction, voilà la question. Longtemps, les femmes s'aventuraient en humour au détriment de leur image.

Pas besoin de remonter à La Poune ni à Juliette Pétrie pour constater que le public riait d'archétypes féminins inoffensifs :  la femme ronde, l'épouse autoritaire, la ménagère, etc.

Faire rire en affichant sa féminité, sa sexualité, ou encore sa supériorité sur l'autre sexe était une hérésie. Alors que l'inverse était et demeure la norme chez les humoristes mâles. Carol Burnett et Joan Rivers se moquaient allègrement de leur physique. Comme pour bien des minorités (les Juifs, les gais), l'autodérision reste la meilleure protection contre le rejet.

« On assiste à une petite révolution », estime la fondatrice de l'École nationale de l'humour, Louise Richer. « On n'est plus dans un boys club où les gars peuvent juger les femmes avec condescendance. La perception du milieu envers l'humour féminin a changé. »

Reste que, bon an, mal an, depuis 28 ans, il y a beaucoup plus de gars que de filles diplômés de l'établissement dirigé par Mme Richer. Pourquoi les filles demeurent-elles minoritaires dans un milieu où la demande est forte, et le taux de réussite, assez élevé ?

Il y a autant de réponses que d'observateurs de l'humour. Comme pour la science, la politique ou les affaires, plus il y aura de modèles féminins pour se lancer dans l'arène humoristique, sans craindre les risques et les critiques de leurs pairs, plus il y aura de femmes pour briser le plafond de verre. Et la génération Y ne se gêne pas pour défoncer les mythes et les idées reçues.

La réponse vient aussi du public. La clientèle qui regarde Le nouveau show, Like-moi et les webséries humoristiques est, en matière d'humour, à la recherche d'originalité, d'audace et d'inédit.

Autrement dit, plus la société va prendre les femmes au sérieux, plus ces dernières vont nous faire rire, en masse.

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