Par-delà les qualités de l'homme, la mort de René Angélil laisse un vide immense dans le paysage québécois. Et pas seulement parce que le manager était, avec sa femme, omniprésent dans notre espace public. En prouvant que le mot impossible n'est pas québécois, René Angélil a repoussé les limites de nos rêves. Son parcours exceptionnel, mais aussi parsemé d'embûches, a inspiré une génération d'entrepreneurs culturels d'ici, tels que Gilbert Rozon, Guy Laliberté, André Ménard ou Alain Simard.

Quel a été le secret de son succès planétaire ? Un mélange de chance et de détermination, de tempérament et de vision, de résilience et de stratégie. Entre le sentiment et le devoir, René Angélil n'a jamais voulu trancher. Homme d'une race à part, loyal en amitié comme en affaires, le gérant pouvait être froid, calculateur et impitoyable en négociations.

René Angélil avait l'âme d'un poète et le cerveau d'un joueur qui carbure au risque. « Si tu apprends de tes erreurs, tu n'es pas du tout un perdant », confie-t-il dans sa biographie signée Georges-Hébert Germain. Malgré les échecs, les trahisons et les revers de fortune, il ne se décourage jamais. Bon chrétien, il croit que le destin des hommes est un mariage d'épreuves et de félicité, d'échecs et de bonne fortune.

Mais le destin a mis du temps à lui sourire. Il se présentera à son bureau un petit matin de janvier 1981, sous la forme d'une cassette d'où émanait « la voix du bon Dieu », comme Eddy Marnay qualifiait la voix de Céline.

René Angélil avait alors 39 ans. Le reste fait partie de l'Histoire. Cette année-là, deux êtres que tout séparait - l'âge, le milieu, la culture - ont entamé le plus beau récit du showbiz québécois.

Angélil a métamorphosé une adolescente timide de Charlemagne P.Q. en une superstar planétaire.

En 1992, lorsque son gérant subit une attaque cardiaque, Céline Dion envisage déjà le pire : une vie sans son René. « Même si je meurs, je veux que tu continues. Si tu t'arrêtes comme ça, en pleine course, ce serait comme si je mourais deux fois », lui dit l'impresario sur son lit d'hôpital.

Mais pas encore. Il reste au couple plusieurs belles années d'amour et de triomphe, dont deux décennies comme époux puis parents de trois enfants.

Le 27 août dernier, Céline a (encore une fois) écouté René. Après une pause d'un an au chevet de son mari, la chanteuse a repris ses spectacles au Colosseum, à Las Vegas. Avant de monter sur scène, elle a confié avec émotion aux médias du monde entier que « ce soir est un nouveau commencement », paraphrasant son tube A New Day Has Come.

Désormais, la star interprétera ses chansons avec le précieux souvenir de l'homme qu'elle aime. Et qui lui a écrit le plus beau conte de fée du Québec moderne.

Bagarreur fier et coriace, l'impresario vient de livrer sa dernière bataille. René Angélil peut se reposer en paix sur l'autre rive. Là où la voix du bon Dieu résonne chaque jour.

CINQ CHIFFRES MARQUANTS DANS LA CARRIÈRE D'ANGÉLIL

3,5 milliards

Nombre de téléspectateurs qui ont vu chanter Céline au Jeux olympiques d'Atlanta en 1996.

217 millions

Montant en dollars US qu'a rapporté la tournée Taking Chances, l'une des plus payantes dans le monde selon le site Pollstar.

100 millions

Coût de la construction, en 2003, du Colosseum, au Caesar's Palace, la salle où Céline se produit toujours à Las Vegas.

31 millions

Nombre d'exemplaires écoulés de Let's Talk About Love. Sorti en 1997, le 5e album en anglais de Céline Dion demeure l'un des albums s'étant le plus vendu dans le monde.

350 000

Nombre d'exemplaires vendus au Québec de l'album Je ne suis qu'une chanson  de Ginette Reno, produit par Angélil. Ce dernier a été l'impresario de la chanteuse à la fin des années 70.

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