Tant pis pour sa haute direction, mais la Société des alcools du Québec (SAQ) devra un jour mettre de l'eau dans son vin.

À chaque remise en question de son efficacité, la SAQ joue à l'autruche. Idem lorsqu'on critique son monopole créé en 1921, durant la période de la prohibition en Amérique de Nord.

La commission Robillard a recommandé au gouvernement du Québec de demander à la Société d'État de faire des efforts de réduction de ses charges administratives. Elle évalue le taux de ses frais de gestion à 21 %, un ratio que la SAQ conteste. La commission a également entrouvert la porte à la concurrence. Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, s'est dit ouvert à revoir le modèle d'affaires et analyser la libéralisation du marché.

Est-ce que ces recommandations ont amorcé un début de réflexion à la SAQ ? Niet. La société était déjà passée en mode attaque avant la fin de la conférence de presse de la commission.

Or, cette tactique n'intimidera pas « l'homme de fer » du gouvernement libéral, en croisade pour « rénover l'État québécois et rétablir l'équilibre budgétaire ». Martin Coiteux a répété en entrevue hier qu'il juge le comportement de la SAQ « inacceptable » en arguant qu'il y a toujours « des gens qui sont réfractaires au changement ».

La SAQ aime peut-être changer des choses, mais à sa manière seulement. Par exemple, côté concurrence, la direction adopte un autre discours lorsqu'il s'agit de justifier les salaires « concurrentiels » de ses cadres pour attirer « des personnes compétentes ». La SAQ se montre réticente à revoir les généreux bonis, indemnités de départ et autres allocations de transition de ses cadres, pourtant le gouvernement propose seulement de « lier le versement de bonis à des objectifs d'efficience et de rentabilité », ce qui tient de la simple logique.

La société a le meilleur des deux mondes. Elle refuse la concurrence, mais laisse les agents et les fournisseurs extérieurs faire face à la compétition féroce. Elle refuse de réévaluer ses prix exorbitants, mais elle se targue de valoriser « l'expérience client ». Elle propose des rabais, tout en sachant qu'en fin de compte, ils font gonfler les prix. Elle s'associe à Éduc'Alcool pour prôner la modération, mais elle ouvre des SAQ Dépôt pour vendre du vin en vrac et en gros.

Depuis quelques années, la société d'État ne vend pas uniquement du vin et des spiritueux : elle vend du marketing. Avec son département d'affaires publiques et communications, la SAQ est aujourd'hui une entreprise commerciale qui carbure à l'image, à la commandite et à la promotion.

La SAQ est plus près de la voracité du monde des affaires que de la passion du caviste pour la qualité de ses cuvées et ses arrivages.

La SAQ est souvent sur la sellette. Voilà dix ans, on parlait de la vendre pour regarnir les coffres de l'État. Des commentateurs se demandaient comment « des administrateurs aussi bien traités » demeuraient incapables de cesser de faire grimper les frais d'exploitation. Ils leur suggéraient de faire leurs devoirs.

On demandera respectueusement la même chose à la haute direction de la SAQ, plutôt que d'adopter l'attitude du potentat.

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