« Le doute est important dans la foi, disait Raymond Gravel. Dans une journée, on peut douter 23 heures 55 minutes ; puis avoir cinq minutes d'espérance. Ce n'est pas beaucoup, mais c'est suffisant pour croire. »

Voilà un an déjà que l'abbé Gravel est décédé des suites d'un cancer, à 61 ans. Le vide laissé par sa mort, dans la fragile maison de l'Église au Québec, n'est hélas pas prêt d'être comblé.

On le constate en voyant le documentaire, Raymond Gravel, un sacré curé, diffusé à Télé-Québec, jeudi soir. Dans ce portrait touchant de son ami, le réalisateur Patrick Brunette nous rappelle combien ce prêtre, rebelle et anticonformiste, a rapproché bien des athées de la foi chrétienne. Ce qui est exceptionnel.

Outre son charisme et son franc-parler, l'abbé Gravel avait une énorme qualité : il nous faisait oublier le cynisme ambiant, cette maladie incurable de notre époque. Malgré ses critiques féroces (et publiques) contre le Vatican, le mouton noir persistait à penser que l'Église peut aider les gens à vivre leur foi.

Son catholicisme était un humanisme.

À l'instar de celui des prêtres « rouges » qui, dans les années 50, s'opposaient au clergé et au gouvernement Duplessis pour appuyer le syndicalisme et la cause ouvrière. Gravel prenait parti pour l'ordination des femmes, le libre choix de l'avortement, l'euthanasie, le mariage gai, etc. Selon lui, « Jésus nous libère du joug [du pouvoir] religieux pour nous rapprocher des exclus, des vulnérables ».

Pourtant, tout éloignait Gravel de sa vocation. Homosexuel, il a grandi en pleine révolution des moeurs. On savait qu'il avait été escorte, puis barman dans un bar gai. On apprend qu'il allait à ses cours de théologie à l'Université de Montréal sous l'effet des « speeds », avec des jeans troués aux fesses.

« J'ai vécu ma crise d'adolescence en même temps que la société québécoise vivait sa crise d'adolescence », déclare-t-il dans le film. Or, il reste profondément attaché à l'Église et à l'Évangile, même s'il emprunte un chemin très différent.

Après dix ans d'essai, Gravel confondra les sceptiques. Il est ordonné prêtre catholique en 1985, à 33 ans. Des années plus tard, alors que le Vatican oblige le député du Bloc québécois à choisir entre la prêtrise et la politique, il quitte Ottawa. Dans sa dernière entrevue avec Patrick Brunette, six jours avant sa mort, le curé confie qu'il s'en serait voulu d'avoir choisi la politique, car il ne voulait pas mourir dans la laïcité. Entre le doute et l'espérance, le prêtre espérait entrer au Paradis le coeur ouvert.

Ironiquement, durant la semaine du premier anniversaire de sa mort, on lisait hier dans Le Devoir un article sur de jeunes prêtres qui veulent plus de tradition dans l'Église et qui critiquent les réformes de Vatican II. Ces traditionalistes souhaitent même revenir à la messe en latin !

Dommage que le curé de Lanaudière ne soit plus là aujourd'hui pour réagir à ces propos. Les voix dissidentes sont si rares chez les catholiques. Pour ne pas vider davantage les églises du Québec, ces derniers devraient considérer le bel héritage de l'abbé Gravel.

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