Plus de 150 personnes par jour. Voilà le nombre de personnes, valises à la main, qui traversent à pied la frontière qui sépare le Québec des États-Unis ces jours-ci. C'est trois fois plus qu'au début du mois et un phénomène assez nouveau dans notre paysage migratoire canadien.

Mercredi, l'image était forte quand le gouvernement du Québec a annoncé qu'il hébergerait jusqu'à 400 réfugiés dans les corridors du Stade olympique de Montréal. Une grande première.

Devant cette nouvelle donne, il semble facile de faire des recoupements avec la situation en Europe, où un million de réfugiés et de migrants économiques sont arrivés en 2015. Cependant, la comparaison ne tient pas la route.

Depuis le début de l'année et l'arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis, le Canada a accueilli sur son territoire 18 000 demandeurs d'asile. Selon les prévisions du gouvernement, le pays s'attend à en recevoir 36  000 d'ici la fin de l'année. Ce n'est pas la mer à boire.

On ne parle même pas de nombre exceptionnel pour le pays. En 2001, le Canada a reçu quelque 45 000 demandeurs d'asile. À l'époque, ce chiffre n'avait pas fait la manchette. Au cours de la dernière décennie, le nombre de nouveaux demandeurs d'asile au pays a fluctué annuellement entre 10 000 et 37 000. On reste cette année à l'intérieur de ces paramètres.

Ce qui est exceptionnel cependant, c'est la cadence des arrivées au Québec au cours des derniers jours. Habituellement, l'Ontario gère plus de la moitié des demandeurs d'asile. Cette année, le Québec est en première ligne avec une personne sur trois y débarquant.

Là encore, les autorités provinciales ne nagent pas dans l'inconnu. En 2008, le Québec a été la principale province d'arrivée d'une vague de demandeurs d'asile mexicains. Cette année-là, 13 635 personnes ont essayé de trouver refuge dans la province.

Le gouvernement Harper avait réagi en imposant des visas à tous les Mexicains, une mesure qu'a levée le gouvernement Trudeau cette année. Selon le président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugiés, environ 1000 Mexicains ont depuis demandé l'asile au Canada alors que le gouvernement en attendait jusqu'à 3500.

Tout indique donc que nous sommes loin, très loin d'une crise migratoire ou d'une perte de contrôle de la frontière. Cela dit, les divers ordres de gouvernement doivent rester vigilants et prêter attention aux maillons les plus faibles du système d'immigration.

Ces jours-ci, la Commission de l'immigration et du statut de réfugiés (CISR) est débordée. Ce tribunal indépendant aura la responsabilité de se pencher sur les dossiers de tous les demandeurs d'asile pour déterminer s'ils ont droit ou non à la protection du Canada.

Le patron de la CISR, Mario Dion, a sonné l'alarme le mois dernier, mais attend toujours des ressources supplémentaires afin de venir à bout de tous les cas en attente. Le gouvernement Trudeau demande à la Commission de faire beaucoup plus avec un budget qui stagne et un personnel restreint. Un drôle de calcul dans les circonstances actuelles.

Le Québec a beau se relever les manches pour héberger, soigner et orienter tous les nouveaux arrivés, il risque d'en avoir plein les bras si les autres engrenages du système d'immigration ne sont pas bien huilés.

En ce moment, il n'y a pas de crise migratoire. Ni au Québec ni au Canada. Espérons maintenant que le gouvernement Trudeau - qui a annoncé au monde entier que les portes du Canada sont grandes ouvertes aux persécutés - n'en crée pas une de toutes pièces.

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