Au nom du maintien de l'«ordre public», le ministre de l'Intérieur de la France a interdit ce week-end trois manifestations liées au conflit au Proche-Orient.

Dans les trois cas, les manifestants ont fait la sourde oreille. Deux manifestations propalestiniennes ont tourné au vinaigre.

Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, s'est félicité un peu trop vite d'avoir pris la bonne décision, affirmant que les violences du week-end «justifiaient» la mesure extraordinaire qui limite la liberté de parole et d'association. Si le but de l'interdiction était de calmer les esprits, c'est un échec.

Dans le quartier de Barbès, à Paris, tout comme dans celui de Sarcelles, dans la banlieue nord de la capitale, les manifestants propalestiniens ont redoublé d'ardeur. Ils étaient tout aussi enflammés contre la censure imposée par l'État français que par l'opération militaire israélienne en cours à Gaza.

À ce sujet, le ministre français aurait pu apprendre de l'expérience québécoise. Loin de mettre fin aux grèves étudiantes de 2012, l'adoption de la «loi 78», une loi spéciale qui limitait le droit de manifester, avait jeté de l'huile sur le feu plus qu'elle n'avait servi d'éteignoir. Des milliers de citoyens qui se sentaient peu interpellés par les demandes étudiantes ont sorti leurs casseroles pour dénoncer la mesure, jugée antidémocratique. Le conflit étudiant a duré cinq mois de plus.

La loi française est beaucoup plus draconienne que la défunte loi 78. Un individu qui organise une manifestation malgré l'interdiction est passible de six mois de prison et de milliers d'euros d'amende. Ce genre de punition effraie surtout les manifestants les plus modérés et nourrit les plus radicaux.

La justice avant tout

Au lieu d'interdire les manifestations, le gouvernement français aurait avantage à mieux les encadrer tout en lançant une enquête sur les événements qui sont à l'origine de la décision du ministre. Le 13 juillet, à Paris, à la fin d'une manifestation propalestinienne, une centaine de participants se sont dirigés vers deux synagogues et ont eu des échauffourées avec de jeunes Juifs, dont certains radicaux. Ces événements sont inquiétants dans une société pluraliste, et les responsables d'actes violents ou racistes doivent être arrêtés et jugés. Le travail de la police permettrait ainsi d'envoyer un message beaucoup plus clair qu'en interdisant une manifestation.

Depuis longtemps, la société française est déchirée par le conflit israélo-palestinien, mais la plupart des citoyens de l'Hexagone choisissent de s'exprimer pacifiquement. D'ailleurs, dans toutes les villes où il n'y avait pas d'interdiction, au cours du week-end, des marches se sont déroulées dans la paix. C'est pour ces citoyens que le droit de manifester doit être défendu. Pour tous ceux qui veulent faire partie d'un dialogue. Si en France on ne réussit plus à discuter, quel espoir alors au Proche-Orient?

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