La tragédie de Lac-Mégantic a fait le tour du monde en fin de semaine. L'ampleur du désastre au moment où l'actualité est particulièrement monotone n'explique pas tout: une constellation de villes et villages sont plantés au bord d'une voie ferrée. C'est ainsi que la symbiose est née: pas de ville, pas de train; pas de train, pas de ville.

C'est pourquoi aujourd'hui, à travers un continent où le transport ferroviaire de pétrole est en plein essor, des centaines de milliers de communautés se demandent si une telle catastrophe risque de survenir chez eux.

Tant de questions restent en suspens. Par exemple:

- Est-il sécuritaire d'abandonner un train sans surveillance?

L'événement s'est déroulé en l'absence du conducteur qui a mis les freins en laissant tourner le moteur, comme le veut la procédure. Est-il possible d'entrer dans la cabine d'une telle locomotive abandonnée? En 2010, deux locomotives ont déraillé à Farnham après que les freins aient été enlevés manuellement en l'absence du conducteur. Un employé interrogé par La Voix de l'Est avait soupçonné un méfait commis par «des jeunes». «On en pogne souvent à flâner dans la gare. Il arrive que des fois lorsqu'on rentre, l'aiguillage soit tourné dans la mauvaise direction. Ils ne sont pas conscients des risques. Les conséquences auraient pu être très graves.» Troublant.

- Le système de freins de sécurité sur ce genre de convoi est-il suffisant?

Hier, la compagnie ferroviaire a laissé entendre que c'est l'arrêt du moteur de la locomotive (après le départ du conducteur) qui pourrait avoir causé une chute de pression d'air dans les freins. Comment le convoi a-t-il pu rouler sans conducteur sur une si longue distance? N'existe-t-il pas un système de déclenchement automatique des freins si le mouvement n'a pas été autorisé par le conducteur?

- Quelles seront les conséquences environnementales?

Le pétrole n'a pas été totalement récupéré et une certaine quantité s'est déversée dans la rivière Chaudière. Combien? On l'ignore. Les indices montrent que les hydrocarbures cheminent en aval de la rivière... vers des municipalités qui y puisent leur eau potable.

- Combien de wagons devrait compter un convoi de pétrole brut?

La vocation des chemins de fer a changé et on y voit passer de plus en plus de matières dangereuses, dont du pétrole. Si le train avait transporté des passagers, le bilan humain aurait été lourd, mais le déraillement n'aurait pas causé autant de dévastation. Est-il sécuritaire de faire circuler un convoi constitué de 72 wagons-citernes de pétrole (ou de toute autre matière dangereuse inflammable) sur un chemin de fer comme celui qui passe à Lac-Mégantic?

La tragédie de Lac-Mégantic va au-delà de l'accident causé par une erreur humaine, de la négligence ou un bris mécanique. Ce ne sont pas seulement les Mégantiçois qui veulent savoir pourquoi le coeur de leur ville s'est évaporé dans une nuit d'été, mais tous ceux, d'un bout à l'autre du continent, qui ne veulent pas vivre le même cauchemar. 

Au nom de tous ceux qui vivent près d'une voie ferrée, nous avons droit à des réponses.