Voilà une donnée qui donne à méditer à l'occasion de grandes balades estivales à la campagne: la moitié des superficies en zone agricole au Québec ne sont pas exploitées. Des milliers d'hectares de champs sont donc délaissés, faute de relève agricole pour les exploiter, ou encore parce que leur topographie n'est pas adaptée aux méthodes de production à grande échelle.

Plusieurs aspirants du tracteur aimeraient bien acheter ces petits lopins de terre, y bâtir une maison, cultiver des légumes (bios ou pas) ou se lancer dans un élevage spécialisé, tout en occupant peut-être un autre emploi. Mais voilà, dans toute cette énumération champêtre, un adjectif cloche: «petit».

La ferme québécoise moyenne compte 114 hectares et vaut plus d'un million de dollars. Pour les jeunes qui souhaitent exploiter une ferme qui répond aux modèles courants de production agricole, il est possible de bénéficier de programmes de transfert d'exploitation et de financement. Le système n'est pas parfait, mais il existe et répond à plusieurs attentes.

Mais pour ceux dont les détails du rêve rural n'entrent pas dans les petites cases, c'est une autre histoire.

Comme pour la trentaine d'étudiants inscrits au programme spécialisé en production biologique du cégep de Victoriaville en septembre. Du jamais vu, révélait hier la collègue Marie Allard, en soulignant que le nombre d'inscriptions a ainsi doublé depuis 2011.

Qu'est-ce qui attend ces futurs diplômés (ainsi que tous les autres inscrits à un programme d'études en production agricole) lorsqu'ils souhaiteront acquérir leur propre ferme?

La Loi de la protection du territoire agricole protège si bien ce territoire qu'elle empêche les terres d'être divisées en lots plus petits et d'être revendues à plusieurs propriétaires. On s'assure ainsi que ces terres serviront bien à faire pousser des légumes plutôt que des maisons.

Sauf que les terres disponibles sont trop grandes et trop chères pour plusieurs jeunes fermiers, surtout biologiques. Le maraîcher biologique Jean-Martin Fortier, cité dans La Presse hier, n'a besoin que d'un petit hectare de terre pour faire vivre quatre personnes.

On parle du bio, mais il y a aussi d'autres manières de cultiver autrement. Dans les témoignages entendus à la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois en 2008, des citoyens ont décrit des petites fermes où ils tiendraient aussi une école équestre ou une table champêtre. Beaucoup de communautés rurales ne demandent pas mieux que d'accueillir ces nouveaux fermiers qui occuperaient le territoire, revitaliseraient l'économie locale et dont les enfants assureraient la survie de l'école.

La Commission a d'ailleurs recommandé un assouplissement dans l'application de la loi, mais jusqu'ici, Québec n'a pas répondu à cette demande. La protection du territoire agricole est incontournable près des centres urbains pour préserver ce qui reste des meilleures terres cultivables. Mais son application trop rigide se fait au détriment de la vitalité des communautés rurales.