En faisant appel à Paul Ryan comme colistier, Mitt Romney fait preuve d'une audace qui ne lui est pas coutumière. Son pari apparaît risqué: M. Ryan est fort probablement le candidat à la vice-présidence à l'idéologie la plus conservatrice de l'histoire récente des États-Unis.

Représentant du Wisconsin depuis 1998, Paul Ryan est un intellectuel de 42 ans reconnu pour ses positions plutôt radicales, autant fiscales que sociales, qui en ont fait un chouchou du Tea Party.

Président de la commission du Budget au Congrès, M. Ryan se pose en ardent défenseur de la privatisation du programme d'assurance santé des personnes âgées (Medicare), mais également d'une réduction draconienne de la dette et des impôts.

Le clan Obama aura beau jeu de faire valoir que les mesures prônées par M. Ryan, que Mitt Romney a fait siennes, avantageront les plus fortunés au détriment de la classe moyenne et des moins nantis. Catholique, père de trois enfants, M. Ryan n'a jamais caché ses positions pro-vie qui feront aussi les choux gras des démocrates.

Le processus qui a mené au choix de Paul Ryan a été long et rigoureux, conforme au style méthodique de Mitt Romney. Rien à voir avec la précipitation de John McCain dans son choix contestable de Sarah Palin il y a quatre ans. En même temps, M. Romney donne l'impression d'être dans une situation fort précaire en sortant lui aussi des sentiers battus.

Visiblement, M. Romney, un modéré parmi les républicains, a senti le besoin de renforcer ses appuis chez les conservateurs au niveau national. Par contre, en bifurquant vers la droite, il est susceptible d'effrayer les électeurs indépendants, dont l'appui est essentiel pour déloger le président Obama de la Maison-Blanche.

La surprise est d'autant plus grande que deux grosses pointures provenant d'États clés ont été écartées: les sénateurs Rob Portman, de l'Ohio, et le sénateur Marco Rubio, de la Floride. On peut douter que M. Ryan permettra au ticket républicain d'arracher le Wisconsin, où Barack Obama l'a emporté par la confortable marge de 14 points en 2008.

À deux semaines de la convention républicaine de Tampa, M. Romney espère que l'annonce de son colistier relancera une campagne sans effervescence et fera oublier ses ratés en Grande-Bretagne et en Israël, son refus de dévoiler ses déclarations de revenus des 10 dernières années ou les attaques répétées contre son style de gestion chez Bain Capital.

Toutefois, il ne faut pas surestimer l'impact du colistier sur le résultat du scrutin du 6 novembre. Les Américains votent d'abord et avant tout pour un président, et non pour un tandem.

Les sondages montrent que M. Romney tire de l'arrière par cinq points face à M. Obama à l'échelle du pays. C'est à la fois un mince écart, en pourcentage, mais significatif dans une perspective de campagne présidentielle. En misant sur Paul Ryan, il tente le grand coup pour renverser la vapeur.

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