La victoire spectaculaire et inattendue de Newt Gingrich à la primaire de la Caroline-du-Sud change radicalement l'allure de la course à l'investiture républicaine. Ce qui s'annonçait comme un couronnement de Mitt Romney, il y a quelques jours à peine, s'est subitement transformé en une lutte à deux susceptible de durer plusieurs mois.

Samedi, les électeurs conservateurs ont clairement affiché leur préférence pour Newt Gingrich. Son triomphe par 12 points a étonné par son ampleur. La déconfiture de l'ex-gouverneur du Massachusetts a été l'aboutissement d'une semaine désastreuse où il a laissé filer une confortable avance dans les sondages, s'est montré hésitant dans les deux débats, en plus de voir Rick Santorum lui souffler la première place en Iowa au terme d'un nouveau dépouillement.

En cette période d'incertitude économique aux États-Unis, les républicains de droite trouvent en Newt Gingrich le leader combatif qu'ils recherchaient tant. L'ancien président de la Chambre des représentants a démontré avec passion qu'il pouvait incarner les Américains en colère à l'endroit des politiques de l'administration Obama. Ses envolées oratoires enflammées durant les débats ont visiblement touché une corde sensible et sont la principale raison de sa résurrection fulgurante.

De toute évidence, le modéré Romney est incapable d'un rapprochement avec les partisans du Tea Party. Ainsi, en Caroline-du-Sud, près de la moitié des républicains estiment que Newt Gingrich est le mieux placé pour déloger le président Obama.

La débandade de M. Romney a contaminé ses appuis au niveau national: son avance sur Newt Gingrich a fondu à huit points, selon Gallup. Malgré des performances dignes de mention, Rick Santorum et Ron Paul risquent de jouer les troisièmes et quatrièmes violons.

En vue du prochain rendez-vous en Floride, le 31 janvier, Mitt Romney a commencé dès samedi soir à se montrer plus abrasif envers son plus sérieux rival. «Notre parti ne peut être dirigé par quelqu'un qui n'a jamais eu une entreprise ou gouverné un État», a-t-il dit, en faisant allusion à M. Gingrich. Il a aussi annoncé hier qu'il rendrait finalement publiques ses déclarations de revenus de 2010 et 2011 cette semaine.

M. Romney ne peut se permettre d'échapper la Floride, un État clé des présidentielles qui est plus modéré que la Caroline-du-Sud. L'enjeu est d'autant plus important que le gagnant s'approprie tous les délégués («winner takes all»), contrairement à la plupart des autres États, où la proportionnelle s'applique.

Si la Floride devait glisser entre les doigts de M. Romney, l'establishment du parti, qui a Newt Gingrich en horreur, pourrait être pris de panique et tenter de trouver une solution de rechange.

La gifle qu'a subie M. Romney en Caroline-du-Sud est de mauvais augure: depuis 1980, tous les candidats qui ont enlevé l'investiture républicaine ont gagné dans cet État baromètre.

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