Lorsqu'une sévère commotion cérébrale a tenu Sidney Crosby à l'écart du jeu en janvier dernier, la LNH a été privée de son meilleur ambassadeur. Les partisans de hockey ont dû prendre leur mal en patience. Les mois se sont égrenés, la convalescence de «Sid the Kid» s'est éternisée.

À son retour au jeu, 10 longs mois plus tard, sa récolte de quatre points dès son premier match a balayé les doutes. Ouf, ses ennuis de santé n'avaient pas affecté ses extraordinaires capacités, il semblait de nouveau dans une forme impeccable. Vraiment?

Aujourd'hui, c'est la commotion dans le monde du hockey. Une rechute force Crosby à déclarer forfait pour une période indéterminée. Au plan psychologique, ce doit être dévastateur. L'angoisse resurgit après des espoirs peut-être démesurés. À 24 ans, les meilleurs jours de Sidney Crosby sont-ils désormais derrière lui? Sa carrière encore toute jeune suivra-t-elle la même tangente que celles d'anciennes vedettes comme Pat Lafontaine et Eric Lindros?

On commence à peine à comprendre les dommages irréparables que des coups portés à la tête peuvent causer aux joueurs affectés. Mais on en sait déjà assez pour que les bonzes de la LNH cessent de jouer à l'autruche. Le gabarit toujours plus imposant des joueurs sur des patinoires aussi exiguës multiplie les probabilités de blessures. Les suspensions infligées depuis le début de la saison par le nouveau préfet de discipline, Brendan Shanahan, sont un premier pas dans la bonne direction. Mais la partie n'est pas gagnée. Un changement de culture ne survient pas du jour au lendemain.

Punir les fautifs n'est pas suffisant. Il faut repenser les conditions dans lesquelles les joueurs évoluent. Ils continueront d'être plus gros, ils patineront toujours aussi vite. Les surdoués, plus souvent en possession de la rondelle, resteront les plus pourchassés par leurs adversaires, qui veilleront toujours à les mettre en échec, une partie intégrante de la game. Alors, que faire? Il faudrait se résoudre à agrandir la dimension de la patinoire - pourquoi pas le modèle européen? - afin de donner plus de marge de manoeuvre aux joueurs de talent. Le nombre de collisions, intentionnelles ou non, chuterait... et le spectacle y gagnerait.

Quelles que soient les mesures qu'adoptera le circuit Bettman, il est peut-être déjà trop tard pour réchapper Sidney Crosby. Il serait malheureux que la ligue ait sacrifié son plus beau joyau avant de se sortir la tête du sable. Mais, au moins, elle devrait s'assurer que cette lourde perte pour le hockey, devait-elle survenir, ne soit pas vaine. Elle le doit à Sidney Crosby, qui a rempli les coffres des équipes de la LNH à chaque visite sur les patinoires adverses depuis qu'il est devenu professionnel. Elle le doit aussi aux amateurs qu'on ne devrait plus priver de talents exceptionnels parce que la ligue s'est fermé les yeux trop longtemps... et s'est mise elle-même en échec par sa négligence.