Le contraste est frappant. Réunis à Rome ce week-end, les ministres des Finances du G7 broient du noir, empêtrés dans la crise financière. Pendant ce temps, aux antipodes de la planète, un vent d'optimisme prudent souffle sur la Chine.

Si les marchés boursiers vivotent en Amérique et en Europe depuis le début de l'année, il en va autrement au pays de Mao. Malmenée en 2008, la Bourse de Shanghai a bondi de 27% dans les six premières semaines de 2009. Les investisseurs pressentent que le programme d'infrastructures de 600 milliards, lancé sur les chapeaux de roues l'automne dernier, va porter ses fruits.

 

Le gouvernement chinois a mis les bouchées doubles pour tenter de compenser la forte baisse de ses exportations, plombées par la chute brutale de la consommation aux États-Unis.

Principal créancier des Américains, la Chine a les moyens de ses ambitions: sa besace de 2000 milliards lui fournit une marge de manoeuvre dont ne peut se targuer l'Occident. Les goussets continuent d'être bien garnis, grâce à des exportations qui, même amputées, restent supérieures au volume d'importations.

Contrairement aux pays développés, affaiblis par une grave crise du crédit, les banques chinoises ont délié les cordons de la bourse. Les prêts aux PME ont augmenté de 18% dans le seul mois de janvier.

Pour encourager l'industrie des télécommunications et de l'électronique, le gouvernement s'apprête à injecter rien de moins que 600 milliards. Une aide au logement a aussi été accordée pour relancer le marché immobilier, durement touché par la crise. Sans compter l'implantation récente d'un système universel d'assurance-maladie.

Le premier ministre Wen Jiabao a aussi compris que sa nation ne pouvait plus se contenter d'être «l'usine du monde». Il incite son peuple, économe de tempérament, à consommer davantage pour faire rouler son secteur manufacturier. D'où une subvention de 13% pour l'achat d'appareils électriques.

Sur la scène internationale, les sociétés d'État chinoises étendent leurs tentacules. À preuve, la participation de 19,5 milliards de Chinalco dans Rio Tinto.

Par le biais des médias, les autorités chinoises sont parvenues jusqu'à maintenant à calmer le jeu et à conserver la confiance de la population, qui fait cruellement défaut en Europe et en Amérique. Mais il s'agit d'un équilibre précaire lorsque 20 millions d'ouvriers se cherchent un emploi et six millions de diplômés universitaires envahissent le marché du travail.

On ne doit plus s'attendre à ce que la Chine maintienne une croissance à deux chiffres, sa marque de commerce des trois dernières décennies. Cependant, on estime que son PIB devrait osciller dans une fourchette de 5-6%, suffisante pour contenir les tensions sociales.

Vu de loin, il apparaît que la Chine pourrait sortir du guêpier bien avant les États-Unis. Et en bien meilleure santé financière.

Il est d'ailleurs curieux que la troisième puissance économique n'ait pas été invitée à la table du cénacle des pays riches à Rome. Mais la Chine attend discrètement son heure, dans l'ombre: les bases d'un Nouvel Ordre mondial, au sein duquel elle devrait occuper une place prépondérante, pourraient être jetées dès le sommet du G20 en avril.

jbeaupre@lapresse.ca