Qui a peur de Jagmeet Singh ?

La réponse est : personne.

Désolé.

À la veille du déclenchement des élections, le chef du NPD part en effet loin derrière, incapable, pour l’instant, de se distinguer de ses adversaires. Dépassé à gauche par Justin Trudeau. Traînant de la patte sur l’environnement par rapport à Elizabeth May.

Dans un contexte de reconfiguration politique, ici et ailleurs, cette difficulté à s’imposer à quelques semaines de l’échéance électorale est une bien mauvaise nouvelle pour le chef néo-démocrate. Mais ce l’est plus encore pour sa formation, qui joue peut-être son avenir cet automne.

Il y aurait même lieu de se demander si le slogan dévoilé hier, « On se bat pour vous », ne serait pas plus juste si on remplaçait « vous » par « nous »…

La phrase peut sembler brutale. Ce n’est quand même pas la première fois que le NPD connaît des bas après avoir connu des hauts, comme en 2011. Mais le contexte ne lui a peut-être jamais été aussi défavorable.

Le problème n’est pas la chute du NPD en soi. Ce n’est même pas le manque de popularité du chef, qui n’a pas encore su profiter de son charisme et de son excellent français. Le problème, c’est plutôt la montée en parallèle des verts.

PHOTO CHRISTOPHER KATSAROV, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh, lundi à Toronto

Juste au Québec, la formation de Jagmeet Singh a perdu 5,5 % d’appuis depuis les dernières élections alors que l’équipe May en a gagné 7,5 %. Si bien que le dernier Léger donne l’avance aux verts au Québec (11 % contre 7 %) alors qu’ils sont à égalité sur le plan national (12 %).

Bien sûr, le NPD pourrait se consoler en se disant que les verts n’ont pas d’organisation digne de ce nom et en gardant les yeux sur les projections de sièges. On prévoit pour l’heure une douzaine de sièges orange au pays, mais à peine quatre ou cinq verts.

Mais pour qui prend un peu de recul, ces chiffres dénotent tout de même une forte poussée du Parti vert du Canada, jusqu’ici plutôt marginal… dans un contexte où 1) les partis non traditionnels gagnent en popularité ; 2) les changements climatiques inquiètent de plus en plus ; et 3) le vote vert a le vent dans les voiles au provincial.

En 2017, les verts ont en effet obtenu la balance du pouvoir en Colombie-Britannique.

En 2018, ils ont élu trois députés au Nouveau-Brunswick et un en Ontario.

Et en 2019, ils ont formé l’opposition officielle à l’Île-du-Prince-Édouard.

Ajoutez à ça la force étonnante des verts lors des élections complémentaires fédérales d’Outremont. La victoire lors de la complémentaire de Colombie-Britannique en mai dernier. Le départ surprise du député néo-démocrate Pierre Nantel pour rejoindre les rangs du PVC.

Et ajoutez aussi le départ fracassant, hier, de 14 candidats néo-démocrates provinciaux qui ont choisi de se rallier au Parti vert du Nouveau-Brunswick et au Parti vert du Canada. Ils ont appelé tous les néo-démocrates à voter vert aux élections fédérales… le jour même où le parti lançait son slogan dans le but de mettre fin à la dynamique négative des derniers mois !

La question se pose donc de plus en plus : le Parti vert finira-t-il éventuellement par remplacer le NPD en tant que conscience morale du pays ?

Ou est-ce que Jagmeet Singh saura enfin se démarquer, comme il l’a fait hier avec une pub originale et rafraîchissante ? Saura-t-il puiser dans le vote de Québec solidaire, annoncer quelques candidatures vedettes, prouver sa compréhension du Québec et sa sensibilité pour celui-ci ?

Il reste de moins en moins de temps au chef néo-démocrate pour y répondre.

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