La bonne nouvelle, c'est que le débat sur les signes religieux a beau avoir été relancé, il n'y a pas eu de déclaration gênante à la Pineault-Caron jusqu'ici. Pas d'équivalent du code de vie d'Hérouxville non plus. Pas de ministre qui échappe une phrase incendiaire, du moins depuis le dépôt du projet de loi 21.

La mauvaise nouvelle ? Il y a quand même eu des dérapages honteux. Mais cette fois, on les doit à ceux qui s'opposent à une laïcité stricte plutôt qu'à ceux qui la réclament.

C'est bien sûr le maire de Hampstead qui remporte la palme. En investissant le débat comme un troll investit Twitter, William Steinberg aura en effet réussi à faire dérailler la discussion collective en criant au « nettoyage ethnique pacifique ».

Et ironiquement, ce n'est pas le projet de la CAQ qu'il aura ainsi ébranlé, mais bien... l'opposition au projet de la CAQ.

À eux seuls, en effet, les propos du maire Steinberg sont en train de discréditer les opposants à l'interdiction des signes religieux et de plomber leur argumentation.

Il n'y a qu'à écouter la radio ou jeter un oeil aux émissions de télé d'affaires publiques pour le réaliser. La liste des arguments contre le projet de loi 21 a beau être fournie, elle se résume à « raciste » et « ignoble » depuis les sorties absurdes du maire de Hampstead.

Parce que le journalisme politique carbure trop souvent à la phrase-choc, on ne parle que de ça depuis tout près d'une semaine, même si on sait que les semaines sont justement comptées avant l'adoption (peut-être forcée) du projet de loi.

Le maire de Hampstead aurait voulu donner un coup de pouce à la CAQ qu'il ne s'y serait pas pris autrement...

Les propos de M. Steinberg sont en effet dommageables à plus d'un titre. Ils éclipsent complètement le fond du débat ainsi que les arguments légitimes contre le recours à la disposition de dérogation ou l'ajout des enseignants.

Ils donnent des munitions à ceux qui prétendent, à tort, que tous les opposants au projet de loi méprisent les Québécois francophones.

Ils font l'affaire des alliés les plus agressifs de l'action gouvernementale, qui n'attendaient qu'une occasion pour diaboliser les opposants en les mettant tous dans le même panier.

Ils galvanisent les partisans de la laïcité les plus volontaires, au risque de les pousser vers des revendications plus radicales.

Et surtout, surtout, les idioties de M. Steinberg divisent l'opposition à la laïcité caquiste. Au point où le premier ministre Justin Trudeau est obligé de dénoncer les opposants au projet de loi... même s'il s'y oppose lui-même.

En ce sens, les propos de M. Steinberg ont le même effet que les appels à la désobéissance civile lancés par l'avocat Julius Grey, ou encore les textes malheureux signés par le Montréalais Martin Patriquin dans le prestigieux Guardian de Londres.

« Le projet de loi, a écrit ce dernier dans ce quotidien à grand tirage international, est le fruit de plus de 10 ans d'hostilité institutionnalisée dirigée contre les minorités religieuses du Québec par la classe politique »...

Trop, c'est comme pas assez. On se serait attendu à ce genre de condamnations sans nuances de la part du ROC (Rest of Canada) ou de la presse étrangère, étant donné que la distance, l'incompréhension culturelle et la barrière de la langue mènent occasionnellement à ce genre de jugement lapidaire.

Mais non. Ce sont à des gens d'ici qu'on doit les plus récentes exagérations. Des exagérations qui forcent malheureusement bien des critiques du projet de loi 21... à défendre le projet de loi 21 !

Car si vous êtes un opposant modéré aux visées du gouvernement, que répondre à des accusations de « racisme » et de « sexisme » ? Que le projet de loi n'est pas la caricature qu'en font ses détracteurs les plus radicaux.

Dans le contexte politique actuel, il ne semble plus y avoir une journée qui passe sans qu'on cite Talleyrand qui disait que tout ce qui est excessif est insignifiant. Et dans le cas qui nous occupe, tout ce qui est excessif est surtout contre-productif.

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