Le discours d'ouverture de François Legault contenait tout près de 7000 mots, mais à peine quelques-uns ont retenu l'attention, comme « éducation », « immigration », « laïcité ». Un autre mot passablement plus original a toutefois été prononcé dans l'indifférence générale : « beauté »...

Le premier ministre a en effet pris la peine d'évoquer son « rêve » de doter le Québec des « plus belles écoles », étant donné qu'elles contribuent à un meilleur climat de travail pour les enseignants et donnent aux enfants le goût de l'école.

« Je suis convaincu que la beauté contribue à la réussite », a-t-il lancé.

Arrêtons-nous un instant pour apprécier la chose.

François Legault, dans ce qui est sans doute le plus important discours de sa vie, a parlé... d'architecture.

Mieux encore, en évoquant la réussite des élèves, il a tracé un lien direct entre la qualité des bâtiments et la qualité de vie de ses occupants. Il a souligné que l'architecture est d'intérêt public et que sa valeur va bien au-delà de l'esthétique. Il a reconnu, bref, l'apport de la discipline architecturale au mieux-être collectif.

La « beauté » dans ce qu'elle a de plus noble, s'est ainsi faufilée parmi les priorités de ce nouveau gouvernement. Rafraîchissant !

L'architecture des écoles est en effet particulièrement importante, étant donné que la luminosité, le confort acoustique et la générosité des espaces ont tous un impact sur la réussite scolaire. A contrario, les boîtes de tôle et les polyvalentes en béton sombres tirent le rendement des élèves par le bas.

Tant mieux, donc, si M. Legault aborde l'architecture par la porte des établissements d'enseignement, mais il ne faut surtout pas s'arrêter en si bon chemin !

L'architecture est une composante essentielle de notre identité collective et culturelle, et mérite donc, à ce titre, une attention plus soutenue de nos gouvernants.

Elle mérite, en fait, une politique gouvernementale à part entière... comme la CAQ en promettait une lors de la dernière campagne électorale. Et comme François Legault lui-même en faisait l'éloge dans son livre Cap sur un Québec gagnant, en évoquant le besoin d'une « politique de l'embellissement ».

« Les villes qui réussissent sont celles qui sont belles et où il fait bon vivre, écrivait-il en 2013. Elles attirent non seulement les touristes, mais aussi les meilleurs talents dans tous les domaines. Voilà pourquoi j'appuie l'idée de doter le Québec d'une politique nationale de l'architecture et de l'aménagement. »

Poussée par l'Ordre des architectes (OAQ), cette initiative permettrait d'abord de fixer de grands principes, des valeurs communes qui encadreraient les interventions un peu partout sur le territoire. Puis elle fixerait des lignes directrices pour favoriser la qualité des constructions en imposant le recours aux architectes, par exemple, ou la tenue systématique de concours pour les bâtiments publics (« Ce qui appartient à tous devrait être plus beau que tout le reste », disait Jean-Paul L'Allier).

On pourrait ainsi, plus concrètement, mettre fin à la règle du plus bas soumissionnaire. Mettre en valeur le savoir-faire et les matériaux québécois. Imposer des concours d'architecture pour les nouvelles écoles, comme on le fait pour les bibliothèques. Ou faciliter la vie des maires qui ont un souci architectural.

Il est en effet aberrant que les municipalités qui veulent tenir un concours d'architecture pour des bâtiments autres que culturels doivent demander une dérogation au gouvernement...

Cela dit, le plus important n'est pas le détail de ce qui se retrouverait dans une politique d'architecture, c'est l'existence d'une telle politique : son élaboration, les délibérations, l'adoption et la sensibilisation qui l'accompagne.

On retrouve dans le monde une trentaine de pays qui en ont élaboré une et elles sont toutes différentes, d'ailleurs. En France, les concours d'architecture sont obligatoires pour les projets publics qui dépassent une certaine somme. Au Danemark, la politique s'applique aux bâtiments, mais aussi à l'urbanisme. En Norvège, la politique est contraignante et s'applique à tous les ministères. Etc.

Mais s'il y a une chose en commun dans ces politiques, c'est qu'elles s'appuient sur le fait que « la qualité de l'architecture ne peut être laissée au hasard », comme dit l'OAQ. Et il revient donc à l'État non seulement d'être exemplaire dans ce qu'il construit, mais aussi d'imposer la qualité comme nécessité dans tout le reste.

Au moment où le gouvernement est forcé d'investir massivement dans les infrastructures, où on envisage la construction de Maisons des aînés et de maternelles, où l'on doit rénover et construire de nouvelles écoles, il est temps de faire de la « beauté » un objectif collectif.

Photo Stéphane Brügger, collaboration spéciale

L'école René-Guénette de Montréal

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