C'est un peu comme si le GIEC et le comité du prix Nobel avaient décidé de s'immiscer dans nos débats politiques, ici même au Canada.

Lundi, en Corée, le Groupe d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) a publié un rapport qui sonne l'alarme : plus on tarde à agir, plus il va faire chaud, plus ça va faire mal, conclut-on en gros. Et chaque degré va faire plus mal que le précédent, chaque demi-degré même.

Un rapport plutôt morose, donc, sous forme d'avertissement, contenant bien peu de bonnes nouvelles, sinon celle-ci : il n'est pas trop tard. Nous ne sommes pas foutus. Nous pouvons encore éviter le pire... à condition d'écouter les scientifiques.

Au même moment, en Suède, le Comité du prix Nobel décernait son dernier prix à l'économiste de Yale William Nordhaus, couronné, justement, pour ses travaux sur le climat. Travaux qui lui ont permis de conclure que LA solution au réchauffement planétaire se résume en deux mots : taxe carbone.

Si on veut s'attaquer au problème détaillé par le GIEC, autrement dit, il faut de toute urgence «pénaliser» les émissions polluantes. Il faut, selon Nordhaus, envoyer un signal de prix qui force la réduction des gaz à effet de serre et nous mène vers une société sobre en carbone.

Bref, la tarification des gaz à effet de serre est carrément «le remède le plus efficace» pour réduire les émissions polluantes, selon l'économiste nobélisé. La Grande-Bretagne l'a démontré avec sa taxe carbone, la Californie aussi; même chose pour la Colombie-Britannique et le Québec.

Or voilà un message qui semble tout droit formulé pour le Canada au moment où Justin Trudeau a toutes les difficultés du monde à imposer un prix national sur les émissions à des provinces qui n'en veulent pas au point de traîner Ottawa devant les tribunaux.

En effet, telle une série de dominos, la Saskatchewan, l'Ontario, l'Île-du-Prince-Édouard, l'Alberta, le Manitoba et possiblement le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve ont tourné le dos à la tarification ces derniers mois, ou s'apprêtent vraisemblablement à le faire. Tandis qu'au fédéral, les troupes d'Andrew Scheer se préparent à transformer la taxe carbone en munition contre les libéraux lors de la prochaine campagne électorale, comme Stephen Harper l'avait fait avec succès contre Stéphane Dion.

Autrement dit, au moment où les appels pour une tarification carbone se font de plus en plus pressants, une armée de dinosaures, pour la plupart conservateurs, se lève pour abattre la solution la plus prometteuse... sans proposer de solution de rechange, évidemment.

Comme si les changements climatiques ne sévissaient pas déjà. Comme si le rapport du GIEC ne reflétait pas un consensus quasi unanime. Comme si, dans ce pays, les «écolorécalcitrants» de droite étaient coincés en 1950 et qu'ils avaient oublié que le conservatisme applaudit habituellement le recours aux mécanismes de marché.

Le plus ironique, c'est que le comité du prix Nobel a couronné un deuxième économiste lundi, le professeur de la Stern School of Business de l'Université de New York Paul Romer, qui s'est alors inquiété de la vague croissante de scepticisme qui touche les sciences... notamment celle du climat.

«Vous avez droit à votre propre opinion, mais pas à vos propres faits», a-t-il rappelé, comme s'il s'adressait aux conservateurs canadiens.

Des propos qui auraient intérêt à faire réfléchir le PCC à l'approche d'une campagne électorale qui s'annonce rude, où les appels à une lutte plus engagée contre les changements climatiques iront en augmentant. À moins que ce parti ne croie ni en la science ni en l'avenir.

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Le rapport du GIEC en 3 questions :

- Du nouveau?

Le climat mondial s'est déjà réchauffé de 1 °C environ en moyenne par rapport à l'ère préindustrielle. Au rythme d'émissions actuelles, le réchauffement climatique atteindra 1,5 °C entre 2030 et 2052. Sans rehaussement de l'ambition des pays signataires de l'Accord de Paris et sans mise en oeuvre immédiate des mesures nécessaires, le réchauffement climatique global devrait atteindre 3 °C d'ici 2100.

- Des craintes à avoir?

À 1,5 °C, les risques sont significativement moins importants en fréquence et intensité des événements extrêmes (canicules, précipitations intenses, sécheresses) et les impacts sur la biodiversité, les écosystèmes, les ressources en eau et en nourriture, la sécurité et la santé, les infrastructures et la croissance économique sont moindres. Par exemple, un réchauffement de 2 °C provoquerait une élévation du niveau des mers supérieure de 10 cm (par rapport à un réchauffement de 1,5 °C) d'ici 2100 et aggraverait le risque à plus long terme d'une déstabilisation des glaces du Groenland et de l'Antarctique (le niveau marin augmenterait alors de plusieurs mètres).

- Quelque chose à faire?

Seules, les émissions passées de gaz à effet de serre ne conduisent pas à un réchauffement au-delà de 1,5 °C. Il est donc encore possible, du point de vue géophysique, de freiner la hausse de la température globale et de limiter les dégâts pour l'humanité et son environnement. Les différentes options pour ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement nécessitent des transformations radicales, dans tous les secteurs de la société et dans le monde entier. Et leur mise en oeuvre doit être immédiate si on ne veut pas imposer aux générations futures le recours à des techniques d'extraction du CO2 atmosphérique risquées.

Source : ministère de la Transition écologique et solidaire, France.

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