Selon les projections de Qc125, le vote libéral se concentrerait en effet à Montréal, en plus de quelques circonscriptions isolées comme Sherbrooke et Jean-Talon. Alors que le reste du Québec, les régions, la capitale et ses banlieues ainsi que l'ensemble du 450 seraient représentés, essentiellement, par la Coalition avenir Québec.

C'est une bien mauvaise nouvelle, pour Montréal bien sûr, mais pour la CAQ également.

Un gouvernement national sans pied-à-terre dans sa principale ville serait éminemment problématique. Tandis qu'une métropole avec un strapontin au Conseil des ministres serait catastrophique.

Le problème, c'est que François Legault semble ne vouloir faire aucun effort pour éviter cette situation difficile, même si un tel gouvernement aggraverait la fracture déjà existante entre la métropole et les régions.

En fait, le chef de la CAQ semble même parfois jouer le coeur de l'île... contre le reste du Québec.

Rappelez-vous comment il a balayé la ligne rose de Valérie Plante du revers de la main. Rappelez-vous sa curieuse sortie en faveur d'une restructuration de la gouvernance de la région pour enlever du pouvoir à la métropole.

Et rappelez-vous son plan de transport qui n'en avait que pour le 450, sous prétexte que Montréal « est largement avantagé au détriment des banlieues ». Doit-on rappeler que le dernier gros projet de transports en commun complété sur l'île... remonte à la ligne bleue il y a 30 ans ? Alors que les couronnes ont profité de la création d'un réseau de trains de banlieue, en plus de l'unique prolongement du métro des dernières décennies.

Et pourtant, la CAQ ne propose rien d'autre, pour le 514, que des projets qui desserviraient, comme par hasard, les deux circonscriptions où elle a des chances de faire des incursions : Bourget et Pointe-aux-Trembles.

Voilà, justement, qui démontre les dangers d'un gouvernement sans assises à Montréal. En l'absence d'élus sur l'île, l'écoute, l'attention et l'intérêt pour la locomotive économique du Québec seraient bien sûr moindres... à part, peut-être, pour les rares circonscriptions ayant voté « du bon bord ».

Le défi de la Coalition, il est donc là en ce début de campagne électorale : pénétrer la forteresse Montréal, pour prouver qu'elle peut représenter tout le Québec.

En fait, dans la situation qui est la sienne, avec des sondages qui la mettent en tête depuis plus d'un an, avec des projections qui lui font miroiter un gouvernement majoritaire, la CAQ a carrément le devoir de tendre la main à la principale ville du Québec.

Certains commentateurs croient qu'il s'agit d'une mission impossible, car pour gagner sur l'île, il faut évidemment gagner le vote non francophone. Et ce vote, on ne peut tout simplement pas l'arracher aux libéraux.

C'est faux.

D'abord, il suffit de jeter un coup d'oeil aux campagnes victorieuses du parti de Stephen Harper pour comprendre qu'une formation aux valeurs conservatrices peut plaire à certaines communautés ethnoculturelles... pourvu qu'elle leur prête attention.

Or on cherche toujours, à la CAQ, un champion de la diversité, un candidat qui saura courtiser les non-francophones plutôt que de les repousser avec des tests de valeurs et des menaces d'expulsion. On cherche, en fait, un Jason Kenney, ce ministre conservateur qui a tout fait pendant qu'il était au pouvoir pour bâtir des ponts avec les minorités.

Ensuite, les sondages récents montrent bien que pour la première fois depuis très longtemps, le vote anglophone et allophone s'effrite à Montréal.

Avec la disparition de la menace souverainiste, on voit même que le vote non francophone déserte tranquillement le PLQ. L'appui aux libéraux était en effet de 83 % en 2014, dans la foulée de la charte des valeurs. Il était de 74 % en février dernier. Et il est aujourd'hui, selon Ipsos, de 62 %...

« C'est un déclin remarquable, note le directeur général d'Ipsos Québec, Sébastien Dallaire. Notre sondage démontre aussi que le désir de changement a grimpé de 11 points chez les électeurs non francophones (maintenant à 36 %), alors que la hausse n'est que de 5 points chez les francophones. »

Malheureusement, la Coalition avenir Québec ne semble pas vouloir réellement tendre la main à cet électorat volatil pour l'instant. C'est vrai que le parti de François Legault a plus de candidats de la diversité que le PLQ. Vrai aussi qu'il a vite évoqué la question identitaire en précampagne pour ne pas en faire une priorité pendant les prochaines semaines.

Mais il faudra plus que cela pour que la CAQ fasse de réelles incursions auprès des non francophones. Il faudra plus que cela, bref, pour que François Legault dirige un gouvernement véritablement national.

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Évolution du vote non francophone pour le PLQ

Avril 2014 : 83 %

Février 2018 : 74 %

Mai 2018 : 74 %

Août 2018 : 62 %

Source : Ipsos Québec

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