Louis-Jean Cormier a laissé échapper une phrase malheureuse dans La Presse cette semaine, et aussitôt, les nombreux commentateurs nous ont invités à choisir notre camp.

On était égalitaire... ou mononc.

On était pour la parité... ou carrément « contre les femmes ».

On était du côté des « féministes radicales »... ou des « hommes hétéros opprimés ».

C'était l'un ou l'autre. Les bons « soldats de la rectitude politique » contre les victimes du « racisme anti blanc ». Rien que ça.

Et pourtant, toute cette affaire part d'une confusion. Une malheureuse confusion qui a contaminé le débat nécessaire et sain qui aurait pu se tenir en lieu et place de ce festival d'insultes.

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À l'origine de la tempête, il y a une prise de position de Louis-Jean Cormier « contre la parité » dans les festivals de musique.

« Je suis contre, a-t-il dit, car je veux qu'on fasse passer l'art avant le sexe. J'ai de la misère à défaire mon focus de l'art et du talent, et si on fait tout 50-50, j'ai peur que ça donne des programmations grises. »

Puis une fois les propos devenus viraux, le chanteur s'est senti obligé de nuancer sa pensée : « Tous les gens qui me connaissent savent que je suis pour la parité homme-femme point. »

Contradiction ? Volte-face ? Pas vraiment. On comprend plutôt qu'il y a confusion dans ses propos entre la fin et les moyens, entre l'objectif de la parité et le moyen d'y arriver, les quotas.

Cormier est manifestement pour la parité en principe. Il est en faveur de cet objectif collectif. Mais il est mal à l'aise avec l'idée de l'imposer, de forcer le 50-50.

Et en ce sens, Louis-Jean Cormier est probablement plus en phase avec la population que tous les commentateurs qui ont une position catégorique sur les quotas. Qu'ils soient pour ou contre.

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Ce qu'a révélé le débat émotif des derniers jours, ce n'est donc pas que la parité fait moins consensus qu'on le pensait. Plutôt qu'il y a un débat à avoir sur la façon d'y parvenir : en attendant que le temps et la pression sociale fassent leur oeuvre ? En misant sur des incitatifs ? Ou en l'obligeant par quotas ?

La question est là. La preuve étant que celle qui était ministre de la Condition féminine l'an dernier, Lise Thériault, était opposée aux quotas, mais favorable aux « incitatifs ».

Certes, nous sommes nombreux à être en désaccord avec elle.

Nous sommes nombreux à penser que la seule façon d'atteindre la parité, c'est par la contrainte.

Prenons l'exemple des conseils d'administration. Là où les entreprises sont laissées à elles-mêmes, la proportion de femmes dépasse rarement 15 %. Alors que le taux grimpe à 52 % dans les sociétés d'État du Québec, simplement parce qu'une loi paritaire a été adoptée en 2006 sous Jean Charest.

Les quotas ne servent pas à forcer la présence de femmes incompétentes, comme certains l'ont écrit sans gêne, ils viennent plutôt équilibrer les chances de réussite et d'avancement entre les femmes et les hommes, qui sont encore et toujours privilégiés.

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Le débat sur les moyens d'arriver à la parité est donc loin d'être réglé. Et ce n'est pas que dans l'espace médiatique qu'il divise les gens.

On voit en politique ces jours-ci que les quotas ne font pas l'unanimité au sein des élus non plus. On retrouve même des opposants aux quotas parmi les partisans de la parité.

À Ottawa, le gouvernement Trudeau a déposé un projet de loi (C25) qui vise à inciter les entreprises à rendre, volontairement, leur conseil d'administration paritaire. Mais ce gouvernement « féministe » s'est élevé contre l'idée de fixer des quotas, tel que proposé dans un amendement au Sénat, qui a d'ailleurs été battu.

On le voit aussi à Québec, où d'anciennes élues comme Marie Malavoy et Christiane Pelchat demandent au gouvernement d'adopter une loi qui forcerait les partis politiques à présenter au moins 40 % de candidates lors des élections. Mais les élues actuelles, réunies au sein du Cercle des femmes parlementaires, s'opposent à cette idée de quotas.

Ce qui prouve que la contrainte fait encore débat, même si la parité est acceptée. Ce qui prouve, aussi, que l'ambivalence de Louis-Jean Cormier ne fait pas de lui un sexiste fini, complètement déconnecté de l'époque.

Ses propos, et l'affrontement polarisé qui a suivi, montrent simplement que le débat sur les quotas reste malheureusement à faire.

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27,2 %

Proportion de femmes à l'Assemblée nationale

Source : L'Amicale des anciens parlementaires du Québec

19,8 %

Proportion de femmes sur les conseils d'administration au Québec

Source : Enquête Catalyst 2013

15,9 %

Proportion de femmes sur les conseils d'administration au Canada

Source : Enquête Catalyst 2013

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