Les «bébé-bonus» n'ont pas été inventés par François Legault. Pas même par Robert Bourassa. Imaginez : on offrait déjà une prime pour le 12e enfant en... 1666! Et en Nouvelle-France, l'instruction publique était gratuite pour le 26e enfant!

Mais bon, si le boni à la natalité a porté ses fruits sous Jean Talon, à une époque où l'immigration se comptait sur les doigts de la main, ça ne veut pas dire qu'elle mérite d'être ramenée dans le débat aujourd'hui. 

Et pourtant, dimanche, le chef de la CAQ a confirmé qu'il planchait sur une déclinaison des primes à la procréation. «Je ne vais pas dévoiler notre programme, a-t-il dit, mais je vais vous donner un petit scoop. On va mettre plus d'argent dans le portefeuille des parents qui veulent avoir un 2e ou un 3e enfant.» 

C'est précisément ce qu'a fait le gouvernement Bourassa en 1988, lorsque le ministre Gérard D. Levesque avait intégré à son budget axé sur les familles des allocations à la naissance : 500 $ pour le premier bébé, 500 $ pour le deuxième et 3000 $ pour les autres. 

Il faut dire qu'à l'époque, le taux de fécondité venait d'atteindre un creux historique à 1,37 enfant par famille, un chiffre qu'on promettait alors de faire grimper à 1,8. 

Or cette mesure n'a pas donné les résultats escomptés (le taux était de 1,59 en 2016). Certaines études jovialistes font certes valoir une augmentation du nombre de naissances dans la foulée des «bébé-bonus», mais à regarder de plus près, on voit bien que la hausse avait débuté avant l'instauration du programme libéral. 

Et plus récemment, des chercheurs qui ont approfondi la question ont conclu que l'allocation avait bel et bien eu un effet, mais seulement sur le moment où les familles décident d'avoir un enfant... pas sur le nombre d'enfants comme tel. 

Est-ce que ça vaut tout de même la peine de réessayer aujourd'hui, alors que le taux de fécondité a baissé pour la septième année d'affilée? Non, car le Québec a non seulement changé depuis la Nouvelle-France, il a aussi changé depuis 20 ans. 

À l'époque de Robert Bourassa, le congé parental était une abstraction (85% des gens d'affaires s'y opposaient!). Les garderies à 7 $ n'étaient pas dans le décor. Et les femmes avaient leur premier enfant plus tôt, ce qui rendait une troisième grossesse un petit peu plus plausible. De toute façon, pour que l'idée même d'une prime à la naissance donne des résultats, encore faudrait-il que le manque d'argent soit le principal frein aux grosses familles, ce qui ne semble pas le cas aujourd'hui. 

Les familles québécoises sont déjà les plus choyées du continent, en plus de pouvoir compter sur un pouvoir d'achat qui progresse d'année en année. Si la décision d'avoir beaucoup d'enfants s'appuyait essentiellement sur des considérations financières, on assisterait donc aujourd'hui à une seconde revanche des berceaux! Le Québec afficherait ainsi le taux de natalité le plus fort de l'Amérique du Nord... plutôt que l'inverse. Dans un tel contexte, les «bébés-bonus» sont donc à ranger dans la catégorie des gadgets électoraux, au même titre que les rabais pour le cinéma que promettait l'ADQ aux familles nombreuses en 2008. 

Si l'intention de la CAQ était véritablement de régler les problèmes démographiques du Québec, elle serait favorable au maintien des plafonds d'immigration. Elle ne se résignerait pas à «l'échec de l'intégration», elle travaillerait à en faire un succès. Elle ne s'inclinerait pas devant le défi de la francisation, elle s'armerait du plus récent rapport de la vérificatrice générale et en appliquerait chacune des recommandations. Surtout dans un contexte où la pénurie de main-d'oeuvre ne peut attendre que les enfants du bébé-bonus atteignent l'âge adulte... 

Disons-le, l'intérêt des différents partis politiques pour les jeunes familles est une bonne nouvelle. Leur contribution est immense, et leurs besoins le sont tout autant. Mais de grâce, évitons la pensée magique et les solutions simplistes... d'une autre époque.

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