Jean-François Lisée a tout à fait raison de s'interroger sur le coût engendré par l'afflux des migrants à la frontière. Une fois nettoyée de son enflure partisane et démagogique, la question mérite en effet d'être posée : qui va payer ? Le Québec ou le fédéral ?

La réflexion est nécessaire parce qu'il existe un flou dans le financement des services offerts aux demandeurs d'asile. L'intégration des immigrants et des réfugiés est bien balisée, mais la gestion des personnes en attente de statut est une patate chaude depuis 30 ans.

Il faut se rappeler qu'Ottawa s'est désengagé du financement des demandeurs d'asile d'un coup sec, en 1982. Un geste brutal qui avait créé une crise majeure à l'époque, réglée par l'humanisme du tandem Lévesque-Godin qui avait finalement offert une assistance à ces personnes dans le besoin.

Puis au fil des années, l'aide financière a été revue à plusieurs reprises en raison d'un noeud persistant : les demandes d'asile sont une responsabilité exclusive du fédéral... mais les services qui leur sont offerts sont de juridiction provinciale (santé, éducation, logement, etc.).

Que faire, donc, avec les dépenses engendrées par la gestion des migrants qui ont emprunté le chemin Roxham en grand nombre cette année ?

Qui devra assumer le coût de l'aide de dernier recours, de l'hébergement d'urgence, des soins de santé et de l'accès à l'école ?

La facture ne sera pas aussi élevée que certains le croient, simplement parce que plusieurs migrants ont déjà quitté le Québec pour l'Ontario. Il s'est d'ailleurs distribué moins de 3000 chèques d'aide sociale ces derniers jours alors qu'on en avait préparé plus de 4500.

N'empêche, ouvrir ses portes a un coût, et tout pris en considération, c'est clairement le fédéral qui devrait ramasser la note. Et non, cela n'a rien à voir avec l'étiquette d'« invités de Justin Trudeau » qu'on tente d'accoler aux migrants pour gagner des points politiques. Pas même avec le fameux tweet #BienvenueAuCanada qui, ne l'oublions pas, s'adressait clairement à « ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre ».

Ottawa doit plutôt payer pour des raisons d'équité et de compétence constitutionnelle.

D'abord, les demandeurs d'asile relèvent à 100 % du fédéral : c'est Ottawa qui les accueille, traite leur dossier et détermine leur sort.

Ensuite, le coût de la gestion des personnes en attente de statut dépend du temps que le fédéral met à les évaluer. Or la congestion actuelle étant liée au manque de ressources consacrées par Ottawa, justement, il tombe sous le sens qu'il en assume la responsabilité financière.

Preuve de sa juridiction, le fédéral transfert d'ailleurs déjà des fonds qui sont utilisés par le Québec pour éponger des services offerts aux demandeurs d'asile. Mais la situation des derniers mois commande une compensation à la hauteur de l'afflux à la frontière.

Une compensation juste, donc, mais pour laquelle Ottawa envoie actuellement des messages équivoques. Le député libéral Marc Miller a récemment dit qu'il s'agit d'un « fardeau que les provinces doivent assumer », mais le signal reçu au cabinet du premier ministre Couillard est beaucoup plus conciliant, dit-on.

Entendons-nous, le fédéral n'a pas créé la situation à la frontière, mais il doit néanmoins se porter au secours de ces migrants à la recherche d'une terre d'accueil.

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