La nouvelle politique d'éducation du Québec s'apprécie différemment selon le point de vue. Si vous l'analysez à l'échelle du ministre en poste, elle est prometteuse. Mais si vous l'évaluez à l'échelle gouvernementale, elle est plutôt décevante.

Il y a en effet quelque chose de troublant à entendre le premier ministre Couillard applaudir ce qu'il voit comme le « commencement d'un grand projet collectif »... alors que son mandat tire à sa fin.

Pourquoi amorcer le « commencement » d'une chose qu'on qualifie de « prioritaire » plus de trois ans après avoir pris le pouvoir ? Pourquoi avoir attendu à 15 mois de la prochaine élection pour présenter ce qui est essentiellement une feuille de route pour la suite ?

Mais bon, une fois qu'on a dit qu'« on aurait dû, ben dû, donc dû », une fois qu'on met de côté la frustration d'avoir perdu autant de temps avec des ministres remplaçables, il faut se faire pragmatique. Il faut analyser froidement ce qu'on a sous les yeux.

Et il faut, ainsi, reconnaître qu'enfin - enfin ! - on semble prendre l'éducation au sérieux au sommet de l'État.

Le grand mérite de la « politique de la réussite éducative », dévoilée par le ministre Sébastien Proulx et le premier ministre, c'est en effet d'ouvrir la voie pour d'éventuels gestes forts et ambitieux.

On ne veut plus gérer à la petite semaine en répondant aux crises et en succombant aux dernières modes comme l'avait fait le gouvernement Charest avec ses tableaux blancs : on a maintenant une vision (intervenir tôt et suivre le jeune jusqu'à l'âge adulte) et on a une cible claire (diplômer 85 % des élèves en 2030).

Le document trace le chemin de belle façon en mettant le cap sur les bons objectifs. À part l'ordre professionnel pour les enseignants qui ne se trouve malheureusement pas dans la politique, tout est là. La scolarisation jusqu'à 18 ans. La maternelle 4 ans pour tous. La valorisation des profs. La participation des parents. La littératie en bas âge. Les seuils minimaux de services spécialisés. L'institut d'excellence. Etc.

La table est donc mise... reste maintenant à servir les plats.

Reste maintenant, autrement dit, à déposer les stratégies, les échéanciers et les plans d'action qui concrétiseront les belles et nobles intentions du gouvernement. Car pour l'instant, ce ne sont justement que de belles intentions.

On mettra sur pied un « groupe de travail » chargé de faire des « recommandations » en vue de la création d'un institut national d'excellence en éducation. On lancera un « chantier d'analyse » sur la valorisation de la profession enseignante. On « analysera » l'idée de prolonger la période obligatoire de fréquentation scolaire de 16 à 18 ans.

Si tout cela sert à pelleter les enjeux et les difficultés par en avant, le gouvernement se sera nui à lui-même à l'approche des élections en relevant à bonne hauteur une barre qu'il ne peut atteindre. Mais si, au contraire, cela ouvre la voie à des actions concrètes et courageuses au cours de la prochaine année, on aura enfin un gouvernement capable de prouver qu'il mise sur l'éducation plus qu'en mots et en paroles, comme on l'a trop vu dans le passé.

Le ministre Proulx répond donc moins aux attentes qu'il n'en crée avec sa politique éducative. Des attentes qu'il a maintenant le fardeau de combler.

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