Les entreprises de Québec inc. ont beau être favorables à l'ouverture des marchés étrangers, plusieurs d'entre elles ont exigé des mesures protectionnistes à la Caisse de dépôt afin qu'elle impose un quota de contenu canadien à son train léger.

Le patron du Groupe ADF de Terrebonne, par exemple, s'est insurgé contre le fait qu'« on va peut-être avoir des gens de l'extérieur » dans le projet du Réseau électrique métropolitain (REM). « Ce n'est pas correct, a-t-il dit au Journal de Montréal. La Caisse investit 6 milliards, il faut que ça reste au Québec. »

Étrange façon d'aborder l'ouverture des marchés... surtout pour une entreprise qui s'est fait connaître en installant une antenne « Made in Québec » au sommet du One World Trade Center !

Et si, justement, les entreprises québécoises et canadiennes n'avaient pas toujours besoin d'être avantagées pour décrocher des contrats d'envergure ?

Et si elles étaient assez compétitives pour prendre leur place dans le projet de train sans qu'on ait à trafiquer les règles ?

Naïf, vous dites ?

Prenez le temps de consulter la composition des consortiums qui ont été sélectionnés pour l'appel de qualification. Vous en avez cinq : deux qui soumissionnent pour l'ingénierie et les infrastructures, trois qui souhaitent fournir le matériel roulant et les services d'exploitation.

Au total, ces consortiums sont formés de 18 entreprises. Et de ce nombre, 14 sont soit des sociétés du Canada, soit des sociétés ayant des filiales bien implantées au pays. Autrement dit, plus des trois quarts des entreprises qualifiées ont des assises canadiennes. On est loin de la concurrence déloyale et du dumping chinois...

Non seulement y aura-t-il des entreprises installées au pays dans le projet, notamment québécoises, mais celles-ci auront gagné sans aucun avantage. Elles auront du coup prouvé leur expertise, leur compétence.

Et de son côté, la Caisse aura favorisé la concurrence plutôt qu'une entreprise locale. Rappelons qu'on ne parle pas ici d'un achat d'autobus par une société de transport municipale. Il s'agit d'un projet éminemment complexe de 6 milliards, censé être rentable, mené par un fonds de pension indépendant. Ce que ses actionnaires exigent, ce n'est pas un passe-droit aux entreprises d'ici le temps du chantier, c'est un prix le plus bas possible et un service d'une qualité inégalée afin que l'achalandage et les profits prévus soient au rendez-vous... à long terme.

Il y a, enfin, un avantage collatéral à privilégier une compétition internationale ouverte à tous : la Caisse se tiendra loin de la controverse.

Imaginez si la fabrication du matériel roulant devait obligatoirement être attribuée à une entreprise d'ici. Une seule aurait pu gagner, bien sûr, en imposant son prix. Et cette entreprise, on le sait, compte parmi ses actionnaires la Caisse de dépôt. Bonjour les contestations... à moins que Bombardier gagne dans les règles de l'art.

La filière industrielle du transport électrique est déjà vigoureuse au Québec, celle de la construction d'ouvrage de transports collectifs l'est tout autant au pays. Raison de plus pour prouver le savoir-faire d'ici en mettant l'accent sur la compétence des entreprises plutôt que sur leur origine.

À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire... et sans grande chance de se faire valoir.

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