L'homme qui reçoit aujourd'hui le pouvoir présidentiel dans la cour de l'Élysée a quelque chose de très américain...

Emmanuel Macron a été élu à la tête d'un mouvement peu hiérarchique, à la Obama. Il se la joue « people », en se prêtant au jeu des médias, en se laissant photographier avec femme et petits-enfants (ceux de Brigitte Macron). Il compte même créer le poste de « première dame », une hérésie en France !

Mais plus encore, au-delà de l'anecdote, Emmanuel Macron a mis de l'avant un programme (un « contrat avec la nation », dit-il) fortement teinté de libéralisme... à l'américaine.

Le fondateur du mouvement En Marche ! a eu droit à bien des moqueries pour avoir refusé les étiquettes de gauche et de droite, comme s'il n'y avait point de salut en dehors de ces deux cases idéologiques. Et pourtant, le jeune président est un véritable « liberal », sans accent. Un libéral à l'américaine donc, plus à gauche que le « libéral » à la française.

D'où cette étiquette de social-libéral pour un homme qui croit en l'État, mais pas à sa suprématie. Un homme qui est favorable à un certain interventionnisme, mais à condition qu'il profite à l'individu, à son émancipation, à l'égalité des chances de chacun.

« Si par libéralisme on entend confiance en l'homme, précise-t-il dans son livre Révolution, je consens à être qualifié de libéral. »

Mais un libéral de gauche, peut-on constater en lisant Macron par Macron, un livre plus instructif encore que Révolution pour comprendre la pensée de cet homme complexe et érudit que ses détracteurs qualifient curieusement de « sans programme »... et de « droite ».

Il est vrai que l'homme veut moins d'État, ce qui peut choquer la gauche de la gauche. Il veut mettre la hache dans la surréglementation. Il entend réduire les dépenses du gouvernement, devenu un véritable « étouffoir » à ses yeux. Il veut éliminer « les blocages » et « les statuts sociaux protégés », nombreux en France.

« Il est légitime, dans certains secteurs, de réfléchir à moins d'État, reconnaît-il, car il est plus efficace et juste de laisser la société respirer, la créativité s'exprimer. »

Mais de là à le traiter d'ultra ou de néolibéral, il y a un gouffre idéologique à ne pas franchir !

Ce n'est pas parce qu'il prône une réforme du Code du travail, une baisse de l'impôt des sociétés ou une réduction du nombre de fonctionnaires (par attrition !) qu'il devient soudainement un « Thatcher light », comme l'ont dit certains.

Sinon, comment expliquer le souhait de Macron de nationaliser l'assurance chômage ? Comment comprendre son plan de relance financé par l'emprunt (50 milliards d'euros), son souhait de mener une transition écologique (15 milliards d'euros) ou sa volonté de réduire le nombre de chômeurs grâce à un plan axé sur l'éducation pour tous (15 milliards d'euros) ?

L'homme veut en outre supprimer les cotisations salariales pour maladie, réduire l'impôt de la classe moyenne, étendre l'assurance chômage et lutter contre l'évasion fiscale.

Autant de mesures qui montrent qu'Emmanuel Macron croit en l'État, mais pas partout, pas boursouflé, pas n'importe comment. Une vision, soyons honnêtes, qui ressemble bien moins à celle d'une Margaret Thatcher qu'à celle d'un Tony Blair.

Le lien avec cet autre politicien progressiste n'a d'ailleurs rien de gratuit tant le programme du nouveau président rappelle celui de l'ancien premier ministre. Un premier ministre, souvenons-nous, qui avait rompu avec la « vieille gauche » et la droite conservatrice en 1997, en proposant une « troisième voie » guidée par... « ce qui marche » !

La parenté saute aux yeux. Les deux hommes croient possible d'améliorer le capitalisme sans le mettre à terre. Ils acceptent le rôle du marché, mais s'opposent au laisser-faire. Ils sont pour des économies mondialisées, mais à condition qu'elles profitent au plus grand nombre. Ils récompensent l'effort et la responsabilité, mais en ayant à coeur la justice sociale.

Il est donc, de toute évidence, ardu de les catégoriser sur l'échiquier politique, d'autant que les étiquettes de « gauche » et de « droite » ne sont pas coulées dans le béton : elles dépendent du pays, de l'époque, du contexte. Le New Labour avait un vernis de gauche, car il est entré en scène après l'échec du laisser-faire, tandis qu'En Marche ! émerge alors qu'on constate l'échec d'une trop grande réglementation, ce qui lui donne des airs de droite.

Mais dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'un libéralisme solidaire qui s'adresse moins au peuple qu'à ceux qui le composent. Une façon d'émanciper les individus, de favoriser l'autonomie et la mobilité sociale, mais sans oublier ceux qui sont à la peine. Une manière, comme écrit Macron, « de créer une société du choix libérée des blocages de tous ordres, d'une organisation obsolète, et dans laquelle chacun pourrait décider de sa vie ».

Une sorte d'American Dream avec une conscience sociale, si on veut... appliqué à la France.

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