C'est vrai que la crise du militantisme s'explique de bien des manières. La diversification des lieux d'implication, par exemple, tire le nombre de militants politiques vers le bas. La volonté d'agir plus concrètement aussi, qui est manifeste chez les jeunes. La baisse de la ferveur nationaliste participe également à cette démobilisation.

Mais il y a une raison plus accablante que toutes celles-là : l'hypocrisie des partis politiques. Des partis qui se rapprochent de leurs militants lorsqu'ils sont dans l'opposition, mais s'en éloignent une fois au pouvoir.

Le Parti libéral de Justin Trudeau en a fait la preuve éclatante ces dernières semaines. Après avoir juré, lorsqu'il était dans l'opposition, que les investitures seraient désormais ouvertes et transparentes, il a fait l'inverse dans Saint-Laurent (et dans Markham), en privilégiant une candidature parachutée au détriment des autres.

On peut comprendre que le chef veuille se garder quelques circonscriptions sûres pour attirer de grosses pointures, mais ce qu'il y a de choquant dans l'exclusion cavalière d'Alan DeSousa, c'est qu'elle n'a jamais été expliquée parce qu'elle n'est pas assumée.

Le parti fait mine d'ouvrir sa porte, mais il la referme sur les doigts des candidats qui ne font pas son affaire lorsqu'on regarde ailleurs.

Il utilise ainsi la transparence promise pour faire écran aux jeux de coulisses, aux listes de militants tronquées et aux changements de dates qui finissent tout le temps par favoriser... le favori du parti.

Mais voilà ! Il faut être terriblement déconnecté pour laisser l'establishment imposer ses choix en 2017... au moment où l'establishment est montré du doigt. C'est ce qui explique que Saint-Laurent n'a pas adoubé la vedette téléguidée par le parti, mais plutôt l'unique candidate locale, Emmanuella Lambropoulos. Comme l'avaient fait les militants conservateurs dans Mont-Royal en 2015, lorsqu'ils avaient choisi Robert Libman plutôt que Pascale Déry.

Ce qui est étonnant, c'est que cette habitude revient au galop chaque fois qu'on promet de la chasser, peu importe le parti. C'est ce qu'ont confirmé deux rapports internes récents, au PQ et au PLQ, dans lesquels on fait état de l'amertume des militants négligés par les élus.

Les manigances du PLC des derniers jours ne font donc qu'accentuer une déconnexion existante. Déconnexion, d'ailleurs, qui risque de prendre de l'ampleur avec la montée de la jeune génération, dont Emmanuella Lambropoulos et Gabriel Nadeau-Dubois sont les représentants.

Le parachutage de vedettes dans les investitures n'est en effet qu'une vilaine habitude parmi d'autres qui rebutent les jeunes en particulier.

Pensons au mutisme qu'on impose aux militants, alors qu'on n'a cessé de valoriser l'opinion et la prise de parole de la génération Y.

Pensons aux disputes personnelles qui prennent le pas sur les débats d'idées, comme on l'a vu avec l'accueil cinglant que le PLQ a réservé à Gabriel Nadeau-Dubois.

Pensons à la langue de bois que manient les politiciens malgré leur promesse de faire de « la politique autrement ».

Comme si les partis étaient incapables de rompre avec les habitudes d'une autre époque, résignés au vieillissement de leurs membres et à la désaffection des plus jeunes. Comme s'ils ne voyaient pas leur propre responsabilité dans la crise qui décime actuellement leurs rangs.

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