L'itinérance peut sembler insoluble. Et pourtant, certaines villes canadiennes ont réussi à réduire le problème, parfois de façon spectaculaire. Selon L'État de l'itinérance au Canada, le nombre de sans-abri a diminué de 11% à Calgary depuis 2008, de 30% à Edmonton et de plus de 60% à Vancouver.

À Montréal? Mystère, car la dernière recension de l'itinérance remonte à 1998, une lacune qui empêche de connaître avec précision l'évolution du phénomène.

En itinérance, comme dans bien des matières, le Québec a développé ces dernières années une approche distincte, qui tranche avec celle qui est privilégiée ailleurs sur le continent. Au Canada anglais et aux États-Unis, on a en effet choisi de mettre l'accent sur la formule «logement d'abord», qui vise à fournir en toute priorité un logement privé aux personnes itinérantes souffrant de problèmes de santé mentale.

Mais cette approche a été rejetée au Québec pour toutes sortes de bonnes raisons, notamment le fait qu'elle s'adresse à une portion fort limitée des sans-abri. À l'inverse, l'expertise développée ici est plus diversifiée, elle s'appuie sur la concertation, l'action des groupes d'aide, le logement social avec soutien communautaire et, bien sûr, le filet de sécurité sociale de la province.

Autant de choses qui permettent de croire que le Québec a choisi une approche possiblement mieux adaptée à sa situation que la formule «mur à mur» appliquée au Canada avec des résultats contrastés d'une région à l'autre.

«Possiblement», parce que l'efficacité des mesures québécoises n'est malheureusement pas chiffrée. Au contraire, le seul indicateur disponible, le nombre de nuitées dans les refuges (un indicateur imparfait, étant donné qu'il ne mesure qu'une petite facette de l'itinérance), laisse croire que la situation s'envenime depuis six ans.

Cela ne veut pas dire que les façons de faire du Québec sont inadéquates, encore moins qu'il faudrait répliquer la méthode utilisée à Vancouver. Mais cela suppose à tout le moins qu'une simple injection d'argent supplémentaire ne règlera pas le problème.

Les groupes qui oeuvrent sur le terrain ont certes une excellente connaissance empirique de la situation. Ils constatent ainsi que la moyenne d'âge des itinérants est en hausse. Que le phénomène s'étend hors centre-ville. Etc.

Mais l'observation a ses limites... que les statistiques peuvent compenser, surtout quand on mise sur une approche différente des juridictions voisines. Une recension du nombre de sans-abri (menée parallèlement aux actions prévues au cours des prochaines années, sans impact financier sur ces dernières) pourrait mener à un portrait plus précis de l'itinérance, à l'abandon de mesures inefficaces, à des actions plus ciblées, voire à des objectifs quantifiés.

Sans chiffres, à l'inverse, bien difficile de se remettre en question, comme l'ont fait les États-Unis, le jour où ils se sont aperçus qu'une frange des itinérants constituait 10% des sans-abri, mais utilisaient 60% des ressources offertes.

La ministre Hivon est à mettre la touche finale à une politique nationale sur l'itinérance au moment où le maire de Montréal choisit de faire de cet enjeu une priorité. Reste maintenant à préciser le portrait du phénomène qu'on veut enrayer.

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