Après avoir oeuvré pendant 34 ans au sein du Centre canadien d'architecture qu'elle a fondé, Phyllis Lambert passe le flambeau. L'infatigable grande dame souhaite consacrer plus de temps à ses occupations internationales, notamment.

Cela peut surprendre, tant ceux qui imaginaient, Mme Lambert prendre une retraite méritée à 

86 ans que ceux qui la connaissent par ses seuls combats patrimoniaux des 40 dernières années à Montréal. 

Or fait moins connu, elle est aussi une architecte, une historienne, une auteure et une conférencière au rayonnement international. Son remplacement à la tête du CCA est donc une perte pour ce dernier (même si elle y demeure impliquée), mais pas pour Montréal ni pour l'architecture, deux passions qu'elle continuera à poursuivre avec fougue.

Peu de gens mesurent l'envergure de ce personnage ayant côtoyé à la fois Picasso, Brancusi et Le Corbusier. Mme Lambert a beau être menue et discrète, elle n'en mène pas moins large depuis ce fameux jour de 1954, lorsque son père Samuel Bronfman lui demandait son avis sur les esquisses de son futur siège social.

Simple artiste en rade à Paris, sa réponse allait changer le cours de sa vie... et de l'architecture contemporaine. Elle a envoyé une lettre condamnant le projet, s'est rendue à New York, embauché le mythique Mies Van der Rohe puis assumé la planification de ce qui allait devenir le Seagram Building. Sans avoir de formation en architecture.

Or ce gratte-ciel allait non seulement faire passer New York du béton au verre, il allait devenir l'un des icônes de l'architecture du XXe siècle. Une histoire que Mme Lambert raconte d'ailleurs avec moult détails dans l'ouvrage Building Seagram qu'elle a publié le printemps dernier après 10 ans de travail. Un livre qui a reçu des éloges pour son apport à l'histoire de l'architecture contemporaine.

On y découvre une self-made-woman, une praticienne doublée d'une théoricienne redoutable, une femme d'une détermination inébranlable, capable d'un travail acharné. Des qualités qui, justement, expliquent son formidable cheminement entre la construction de cet important édifice et l'écriture du livre qui raconte ses dessous.

On comprend ainsi mieux le parcours de cette artiste sans expérience devenue professionnelle primée, d'abord par ses études avec le grand Mies Van der Rohe, ensuite par ses projets menés à titre d'architecte ou de consultante au Caire, à Toronto, à Los Angeles et à Montréal.

On saisit mieux le personnage aussi, celui qui, à force d'opiniâtreté, a réussi à faire du CCA un lieu unique, à la réputation mondiale. Celui, également, qui accomplit inlassablement son «acte de mentorat planétaire», pour reprendre les mots de Dinu Bumbaru, d'Héritage Montréal (organisme qu'elle a fondé). Un mentorat qui, par ses nombreuses collaborations et conférences, fait d'elle aujourd'hui une figure en vue de l'architecture internationale.

Bref, en plus de la militante du patrimoine que l'on connaît, celle qu'un documentaire baptisait «Citizen Lambert» est une citoyenne du monde dont la contribution continuera de rejaillir sur l'architecture... et sur Montréal.

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