«Faites-moi confiance.» C'est en un mot le message lancé hier par le ministre Denis Lebel, qui s'est engagé à accélérer le remplacement du pont Champlain sans rogner sur la qualité du projet final. Une promesse qui peut mener à la construction d'un pont emblématique... ou pas.

«Faites-moi confiance.» C'est en un mot le message lancé hier par le ministre Denis Lebel, qui s'est engagé à accélérer le remplacement du pont Champlain sans rogner sur la qualité du projet final. Une promesse qui peut mener à la construction d'un pont emblématique... ou pas.

Le fédéral prévoit désormais inaugurer le futur pont dès 2018, plutôt qu'en 2021. Une impressionnante compression du calendrier qui rend virtuellement impossible la tenue d'un concours d'architecture et d'ingénierie.

Cela est malheureux et directement lié non pas tant à l'urgence d'une situation hautement prévisible qu'aux retards pris ces dernières années dans l'avancement des travaux de remplacement du pont.

Aujourd'hui, face à des contraintes de temps qu'il s'est lui-même imposées, Ottawa conclut qu'il n'a tout simplement plus le luxe de construire un «beau pont» à la faveur d'un processus créatif. Une décision qui trahit une aversion du concours, dont l'objectif est d'atteindre la plus haute qualité d'architecture certes, mais aussi une conception exemplaire dans le cadre d'une démarche transparente et ouverte qui n'a pas à traîner en longueur.

En lieu et place, le ministre Lebel a choisi la voie du «PPP avec directives architecturales», une option beaucoup moins contraignante. Ce n'est pas une catastrophe en soi, soyons honnête. On peut très bien réaliser un pont de grande qualité avec une telle approche, mais on peut aussi réaliser un pont dont la grande qualité est le bas prix.

«Faites-moi confiance», nous dit le ministre. Et pour nous rassurer, il a embauché nul autre que Poul Ove Jensen, l'un des plus grands architectes de ponts de la planète, concepteur des pont sLink Belt au Danemark et Stonecutters à Hong Kong. Il lui a aussi adjoint les services d'une firme québécoise, Provencher Roy.

Impressionnant. Ces architectes auront la tâche non pas de dessiner le futur pont, mais de fixer des directives qui serviront à guider les soumissionnaires lors de l'appel de propositions. Puis un jury aura à sélectionner un projet selon une pondération qui, elle, n'est pas encore connue.

C'est là où le bât blesse. On peut très bien avoir les plus audacieuses directives... puis fixer une pondération qui donne priorité non pas à la conformité des propositions, mais bien à leur prix. Malgré les «directives» en amont, le donneur d'ouvrage peut ainsi choisir l'importance réelle qu'il accorde à la qualité architecturale en aval, ce qui explique l'extérieur plutôt banal de l'Adresse symphonique de Montréal et l'architecture décevante du CHUM.

Entendons-nous, l'avantage d'une telle option est indéniable dans le contexte du pont Champlain: elle n'a aucune incidence sur le calendrier de réalisation, ce qui permet à Ottawa d'accélérer le chantier. Mais son désavantage, c'est qu'elle pourrait ne pas avoir d'incidence... sur la qualité d'architecture et d'ingénierie du projet.

«Faites-moi confiance», nous dit le ministre. On n'a pas tellement le choix, hélas.

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