La Ville de Laval est sous tutelle. Gilles Vaillancourt n'est plus dans le portrait. Son parti a été dissous. Plusieurs membres de son entourage ont été montrés du doigt à la Commission Charbonneau. Si bien que la tentation est grande de reléguer cette administration aux livres d'histoire et de passer à autre chose.

Mais ce serait sous-estimer l'ampleur des dommages causés par ce potentat au cours des 23 dernières années. Des dommages qui ont ravagé les fondements démocratiques et administratifs d'une ville qu'il faut maintenant reconstruire pierre par pierre, comme le démontre le rapport de la vérificatrice générale Michèle Galipeau, déposé cette semaine.

Cela ne fait partie d'aucun des 18 chefs d'accusation qui pèsent contre M. Vaillancourt, mais ce dernier n'en a pas moins sapé les bases mêmes de la municipalité, il a mis à terre les instruments de transparence, il a éliminé les forums de participation, il a assujetti la fonction publique aux firmes privées et il a écarté les pouvoirs de vérification, de surveillance et de vigilance de la Ville.

Bref, il a fait table rase des mécanismes et contre-pouvoirs censés assurer la bonne gouvernance démocratique de la troisième municipalité du Québec.

Une analyse poussée du «monopole politique» de Gilles Vaillancourt produite par la politologue Laurence Bherer a montré en 2011 comment le maire a évité pendant son règne d'établir des procédures régulières de consultation publique, comment il a mis en place des modes de nomination nébuleux aux différents comités et commissions.

Elle détaille aussi comment il a instauré «un climat d'intimidation» aux réunions publiques, empêché les citoyens de se faire entendre, réduit l'opposition au silence et étouffé les instances de transparence. En un mot, l'ancien maire a nié les mécanismes d'imputabilité, selon la professeure Behrer, à la fois pour accroître sa mainmise sur la ville et se maintenir au pouvoir.

Le rapport déposé mercredi par la vérificatrice va dans le même sens, mais en élargissant la portée des critiques à la fonction publique, que l'administration Vaillancourt a réduite au simple rôle de «rubber stamper».

Il n'y avait à Laval, selon la vérificatrice, aucune évaluation des coûts des contrats octroyés. L'adoption des plans et devis était recommandée sans analyse préalable. Les dossiers présentés à l'exécutif étaient incomplets. Les chantiers ne faisaient l'objet d'à peu près aucune visite ou suivi. Et les «extras» étaient accordés sans autre question.

«Les lacunes soulevées, écrit la vérificatrice, limitent la capacité de la Ville à s'assurer que la prestation des services externes est de qualité et économique.» Ces lacunes limitent aussi le rôle que doivent normalement jouer les fonctionnaires et autres contre-pouvoirs en réduisant la quantité d'information qui circule.

L'élection du 3 novembre prochain permettra certainement d'amener un vent de fraicheur à Laval. Mais il faudra des années avant de changer les habitudes, la culture, les mécanismes et institutions de cette ville à reconstruire.

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