Habituellement, lorsque des allégations de corruption font surface dans une ville, une question se pose: qui savait? Mais dans le cas de Laval, la malhonnêteté semble si répandue, les témoignages à la commission Charbonneau sont si accablants, qu'il y a lieu de se demander qui, au juste, ne savait pas?

Et à défaut d'une réponse valable, à défaut de pouvoir faire confiance à qui que ce soit aux différents échelons de l'administration de cette ville, la mise en tutelle s'imposait d'elle-même.

La loi, dans les faits, permet au gouvernement d'assujettir une municipalité lorsqu'elle est fasous enquête ou incapable d'administrer ses affaires. Mais elle lui permet aussi de prendre le contrôle lorsque des actions illégales ou des irrégularités ont été constatées.

Laval se qualifie pleinement. Voilà une municipalité dont le maire plénipotentiaire a été accusé de gangstérisme. Dont le dauphin et successeur est soupçonné d'avoir volontairement agi comme prête-nom. Dont la presque totalité du conseil municipal est mise en cause dans un système de financement électoral illégal. Et dont la direction générale a été congédiée pour des raisons nébuleuses.

C'est beaucoup! Même en comparaison avec Montréal qui, au plus fort de la crise, n'était pas minée par une turpitude aussi généralisée.

On savait que Laval était un potentat, une monarchie sous l'emprise de celui qu'on surnommait «Gilles 1er». On savait que le confort et l'indifférence des Lavallois avaient permis au maire de resserrer toujours un peu plus son emprise sur la ville, ses institutions, ses firmes.

Mais ce que les témoignages tendent à démontrer, notamment ceux de Gilles Théberge et de l'ancien agent officiel du PRO des Lavallois Jean Bertrand, c'est que M. Vaillancourt régnait aussi grâce à la complicité de ses fidèles et loyaux sujets, plus nombreux qu'on le croyait au sein du conseil municipal et de la haute fonction publique.

Certes, aucun d'eux n'a été reconnu coupable. Une seule élue a avoué avoir agi en tant que prête-nom. Et c'est pourquoi il serait présomptueux de montrer la porte de l'hôtel de ville à tous les conseillers. Mais les soupçons sont suffisamment sérieux pour qu'ils soient tous désormais chapeautés par la Commission municipale (et qu'ils quittent d'eux-mêmes, ou à tout le moins qu'ils ne se représentent pas).

Ces soupçons sont même assez graves pour que le «tuteur» de la Commission, Florent Gagné, ne se contente pas d'accompagner la Ville pour les prochains mois, mais qu'il révise une à une les décisions prises par le conseil depuis l'élection d'Alexandre Duplessis.

La mise sous tutelle est certes un geste violent, qui suspend temporairement la démocratie représentative. Ce n'est jamais une bonne nouvelle lorsque cela est imposé, pas plus pour les élus que pour ceux qui leur ont accordé leur confiance.

Mais lorsque cette même confiance est rompue au point où l'on ne sache plus à quel élu se vouer, la tutelle se justifie, aussi drastique soit-elle.

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