Pendant que le ministre Duchesne et les universités discutent du financement de l'éducation, le gouvernement tente, par l'entremise de son bras immobilier, de se débarrasser de l'îlot Voyageur, témoin gênant d'une dérive financière que tous aimeraient oublier.

«Doit vendre: immeuble à aire ouverte, près de tout, gros garage, planchers, idéal pour bricoleurs...»

Mais la vente à perte d'une telle carcasse financée deux fois plutôt qu'une par les contribuables est-elle une bonne idée? Voilà la question qu'un groupe d'étudiants particulièrement dégourdis nous oblige à nous poser.

Réunis au sein de L'Unité de travail pour l'implantation de logement étudiant (UTILE), ces professionnels en herbe ont concocté un projet immobilier sérieux et prometteur qui pourrait fort bien servir de solution alternative à la vente de feu.

L'idée est de faire naître l'îlot Voyageur sur les cendres du fiasco du même nom, transformant ce qui devait être une résidence étudiante en coopérative d'habitation étudiante de 312 logements de deux chambres à coucher.

L'initiative, en soi, mérite d'être saluée. Dindons de la farce des tractations immobilières de leur institution universitaire, les étudiants ne se sont pas contentés de prendre la rue, ils ont retroussé leurs manches, aiguisé leurs crayons et pondu, avec l'aide d'institutions et d'architectes établis, un projet détaillé accompagné de son montage financier.

Ne serait-ce que pour cette raison, le projet mérite d'être considéré.

Cela dit, il y a bien d'autres raisons qui devraient inciter le gouvernement, propriétaire de l'épave, à étudier ce projet qui apparaît, de prime abord, moins idéaliste qu'idéal...

Pour le Quartier latin, d'abord, une telle résidence serait providentielle. Sortant tout juste d'une consultation publique, le secteur a choisi, pour des raisons historiques, de cibler en particulier la clientèle «jeune, branchée et urbaine» en vue de sa revitalisation.

Mais cela, nécessairement, doit passer par l'ajout de logement financièrement accessible. Le Quartier latin ne le sera plus le jour où les étudiants le désertent en dehors des heures de cours.

Or, malgré l'implantation prochaine du CHUM et du campus Norman-Bethune, qui ajoutera bon nombre d'étudiants, il n'y a aucune résidence en développement. Et ce, malgré la hausse des loyers et la fermeture de la Maison du Prêt d'honneur.

L'îlot Voyageur apparaît ainsi comme une occasion unique de combler cette carence, tout en renforçant la personnalité du quartier.

Certes, la structure en coopérative peut faire craindre une autre intervention d'urgence du gouvernement, en cas de pépin financier. Mais le cas réussi de L'Estudiantine, une coopérative étudiante ouverte depuis six ans à Sherbrooke, est rassurant à ce titre, d'autant qu'il ressemble énormément à l'îlot Voyageur.

L'UTILE a le potentiel de transformer un symbole malheureux en un emblème de l'appropriation collective. Il mérite qu'on repousse la vente au privé, à tout le moins, le temps d'être étudié.

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