La campagne de protestations Idle no more a une parenté évidente avec celle d'Occupy, mais aussi avec le printemps érable, trois mouvements populaires qui ont su ébranler les colonnes du temple. Il manque cependant aux autochtones l'ingrédient qui a fait le succès des étudiants...

Les liens entre ces mouvements «grassroots» sont manifestes et multiples en ce qu'ils tablent tous sur une même recette, d'une redoutable efficacité. Ils émanent tous d'une revendication forte exprimée sur la place publique, laquelle fut propulsée sous les projecteurs grâce à un événement hors du commun, l'occupation d'un lieu, des manifestations en série, une grève de la faim.

Pour s'assurer que ces coups d'éclat soient autre chose que des comètes médiatiques, ils ont tous, aussi, développé des racines au-delà des groupes concernés, que ce soit par l'entremise d'un slogan court et puissant, des réseaux sociaux ou d'un symbole facilement reconnaissable: le carré rouge, la plume rouge, #Occupy, #IdleNoMore.

Les autochtones, aidés par une actualité qui tourne au ralenti, ont ainsi réussi à monopoliser la scène médiatique exactement comme l'avaient fait avant eux les étudiants et les occupants. Ils ont su élargir leur bassin de sympathisants, multiplier les appuis politiques partout au pays... et ainsi convaincre l'inflexible Stephen Harper de s'asseoir avec eux afin de discuter dans le blanc des yeux.

Mais là s'arrête le lien entre l'hiver indien et le printemps érable. Car de la même manière que le mouvement Occupy, les Premières Nations ont échoué à préciser et à prioriser les revendications qui l'animent.

Or voilà précisément ce qui a fait le succès de la campagne étudiante, qui a eu un début, une réussite et une fin. Au-delà des demandes de tout un chacun et des divergences entre les associations, l'abandon de la hausse des droits de scolarité émergeait comme l'objectif à atteindre, l'indicateur mesurable de succès.

Les enjeux des peuples autochtones sont autrement plus compliqués que ceux des étudiants. La composition des organisations est aussi bien plus diverse. Et le ras-le-bol prend ses racines non pas dans une saison de mécontentement, mais bien dans l'histoire centenaire du pays.

N'empêche, l'incapacité des Premières Nations d'encapsuler leurs demandes, aussi justes et nécessaires soient-elles, empêche tout gouvernement de leur répondre favorablement avec l'impression que cela calmera les ardeurs.

Le gouvernement le plus sensible à leur sort aurait beau s'attaquer à la question du logement ou à celle de l'éducation, il se ferait accuser de ne rien faire pour favoriser le contrôle des terres et le développement économique, pour assurer le respect de l'environnement et des traités, pour favoriser l'autonomie et le bien-être des peuples autochtones.

«Il y a un réel danger de se retrouver avec un melting-pot d'intérêts sans qu'on réussisse à focusser sur les vrais enjeux», a d'ailleurs reconnu l'ancien négociateur autochtone Armand Mackenzie, cette semaine, sur les ondes de Radio-Canada.

Les autochtones arracheront probablement quelques gains lors de leur rencontre avec le gouvernement Harper, aujourd'hui. Mais en l'absence de priorités claires, il serait surprenant que l'impressionnant rapport de force qu'ils ont su gagner leur apporte satisfaction.

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