Les partis politiques montréalais sont dans la tourmente. Union Montréal, qui se désagrège un peu plus chaque jour, est soupçonné de corruption et de financement occulte. Tandis que Vision Montréal, déjà coupable d'infractions électorales, fait l'objet d'une enquête du Directeur général des élections.

Aux grands maux les grands moyens: on abolit les partis et, avec eux, les moeurs politiques douteuses, comme le suggèrent plusieurs observateurs au moment où les indépendants gagnent du terrain au conseil municipal?

Cette solution peut sembler séduisante à première vue, mais non seulement serait-elle moins efficace qu'une réforme du financement des partis, elle provoquerait bon nombre d'inconvénients qui risqueraient de plomber encore un peu plus la scène politique montréalaise.

Il est vrai que Montréal est une anomalie parmi les grandes villes d'Amérique du Nord, où les formations politiques sont à toutes fins utiles inexistantes. Mais contrairement aux apparences, cette exception sert très bien la métropole depuis le milieu des années 50.

La présence des partis permet en effet de mousser l'intérêt pour la politique municipale, de susciter des débats d'idées sur les enjeux urbains et d'assurer une couverture médiatique constante de la scène municipale.

En témoigne la participation électorale qui, si elle n'est pas très élevée à Montréal (autour de 40%), demeure dans la moyenne canadienne malgré un attachement moindre des francophones à ce niveau de gouvernement. En outre, elle surpasse de loin celle que l'on observe dans les grandes villes américaines (autour de 25%). Éliminer les partis au profit d'une lutte entre indépendants risquerait de réduire encore l'intérêt des électeurs.

Cela est d'autant plus vrai que la présence de formations politiques relève, habituellement, le niveau du débat public. Surtout lorsque ceux-ci suivent une idéologie plus qu'un chef (RCM, Projet Montréal). Et surtout lorsque ceux-ci occupent une niche définie. C'est le cas de Projet (nouvel urbanisme), mais c'est aussi le cas, dans une moindre mesure, d'Union (décentralisation) et de Vision (centralisation).

Tous ces partis ont une base électorale, tiennent des congrès, élaborent un programme politique, font valoir leurs positions et suscitent, ainsi, la réflexion sur des questions complexes, telles la gouvernance, la dotation des arrondissements et le financement des transports en commun.

Cela mène-t-il à une trop grande partisanerie? Sans doute. Mais cela mène aussi à un nécessaire équilibre entre le parti au pouvoir et ses adversaires. Ce que les dernières années ont prouvé avec le travail vigoureux des deux partis d'opposition.

Ironiquement, à Montréal, c'est en bonne partie pour combattre le patronage et la corruption qu'ont été créés les premiers partis il y a une cinquantaine d'années, la Ligue d'action civique d'abord, puis le Parti civique de Jean Drapeau.

Il serait dommage de profiter d'un contexte similaire pour éliminer un acquis démocratique qui a certes ses défauts, mais qui apporte surtout son lot d'avantages.

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