On a assisté hier à la chute d'un potentat, mais aussi, espérons-le, à la fin d'une époque, d'un style, d'une façon de gouverner qui n'a plus sa place au Québec.

Gilles Vaillancourt a beau n'avoir donné aucune raison pour son départ, hier, les allégations, révélations et frappes policières étaient devenues trop nombreuses et accablantes pour qu'il demeure en poste.

En quittant l'hôtel de ville pour une dernière fois, il a donc fait ce qui s'imposait. Et il a fait, avouons-le, ce que plusieurs appelaient de leurs voeux, tant son règne avait des airs - et des travers - de monarchie municipale.

Les surnoms de «Gilles 1er» et de «Roi de Laval», tout comme l'expression «Une île, une ville, un Gilles», traduisaient une emprise malsaine sur la ville dont on sous-estime les conséquences, sur les citoyens, sur la ville, sur la politique municipale.

Certes, bien des Lavallois garderont un bon souvenir de cet homme ayant réussi, au cours de ses 23 années au pouvoir, à faire de leur banlieue un centre urbain d'importance, voire un concurrent de Montréal.

Loin de la banale cité-dortoir, Laval est aujourd'hui un des principaux pôles d'emplois de la région. C'est aussi une ville dont le pouvoir était inégalé au Québec jusqu'à l'arrivée de Régis Labeaume. Ce mélange de vigueur économique et d'immense pouvoir politique a permis à M. Vaillancourt de garder les taxes basses, de réduire l'endettement de la Ville, d'offrir une large gamme de services municipaux, en plus d'obtenir tout ce qu'il demandait, du pont de la 25 au prolongement du métro, en passant par l'abandon des lois gouvernementales trop contraignantes.

Mais à quel prix? C'est la question que les Lavallois n'ont pas voulu se poser ces dernières décennies. Satisfaits de ce qu'ils recevaient, ils ont fermé les yeux sur les nombreuses allégations faites à l'endroit du maire depuis 20 ans, sur les révélations faisant état d'un vaste système de corruption, sur les transactions financières douteuses impliquant, pourtant, leur argent.

Et plus insidieusement, les Lavallois ont accepté que le maire resserre toujours un peu plus sa mainmise non pas juste sur l'hôtel de ville, mais sur toute la ville. Si M. Vaillancourt a été élu six fois, c'est parce qu'il était apprécié, certes, mais c'est aussi, et surtout, parce qu'il a éliminé avec le temps toute opposition, tout contre-pouvoir, toute possibilité de contestation démocratique...

Profitant du confort et de l'indifférence de ses commettants, M. Vaillancourt a noyauté les organismes gravitant autour de la Ville. Il a éloigné tous ceux qui ne lui étaient pas fidèles. Et il a su contrer les institutions démocratiques pourtant censées accroître la transparence, comme le vérificateur général et les comités consultatifs.

Ce n'est donc pas que la fin d'une carrière à laquelle on a assisté hier, mais aussi la fin d'un monopole politique qui ne servait ni la région, ni les citoyens de Laval.

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