Ottawa rend les armes et abandonne finalement la lutte menée à l'international pour la survie de l'amiante. Bien que cette décision ne change rien dans les faits, sa portée symbolique et diplomatique signale le début de la fin pour cette industrie en sursis.

Concrètement, disons-le, la volte-face du gouvernement Harper porte peu à conséquence. Le Canada cessera tout bonnement de faire obstacle à l'inclusion de l'amiante chrysotile sur la liste des produits dangereux de la Convention de Rotterdam, comme il l'a fait à plusieurs reprises dans le passé.

Mais il suffit qu'un seul des 149 pays signataires de cet accord prenne le relais et impose son veto pour que le chrysotile continue d'être exporté sans grand encadrement. Ce qui surviendra assurément l'an prochain, lors de la prochaine rencontre des parties. L'Iran, l'Inde et la Russie, entre autres, sont favorables au commerce de cette substance toxique.

La décision annoncée vendredi dernier n'en est pas moins importante pour autant. Elle envoie deux messages lourds de sens et d'implications.

D'abord, le Canada cesse ses représentations internationales en faveur de l'amiante. Il suffit de voir l'importance du travail de terrain et de coulisses mené par Ottawa dans le dossier des sables bitumineux pour comprendre les répercussions d'un tel retrait diplomatique.

Ensuite, au pays, le gouvernement conservateur cesse d'appuyer l'industrie qui, du coup, perd son dernier allié politique. Pauline Marois ayant clairement promis d'annuler le prêt de 58 millions consenti récemment à l'industrie, cette dernière aurait pu tendre la main à Stephen Harper, espérer une quelconque aide des conservateurs.

Or, sans appui du provincial ou du fédéral, sans ami au pouvoir, sans banque prête à investir, la mine Jeffey, la dernière en activité au Québec, a un pied dans la tombe. Reste à voir, maintenant, si Québec et Ottawa l'y enfonceront en bannissant l'exploitation et l'exportation de cette substance «notoirement cancérigène pour l'homme» qu'est l'amiante, comme le demandent d'ailleurs les grands organismes internationaux.

La position de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), de l'Organisation internationale du travail (OIT) et du Centre international de recherche sur le cancer est sans équivoque: il n'existe aucun niveau d'exposition à l'amiante qui soit dépourvu de nocivité. Et donc, selon l'OIT, «la mesure préventive appropriée consiste à interdire totalement le chrysotile».

Cela surviendra sans doute. Et plus tôt que tard si l'on se fie à la précipitation et la facilité avec laquelle le gouvernement Harper a tourné le dos à cette industrie moribonde. D'ailleurs, ce dernier mérite des félicitations pour avoir accueilli la position du Parti québécois sans grandes remontrances et surtout, pour avoir créé une enveloppe de 50 millions visant à diversifier l'économie de Thetford Mines.

Il en coûtera certainement plus cher d'aider une région qu'une mine, mais les bénéfices d'un tel investissement se compteront en vies, pas seulement en dollars.

francois.cardinal@lapresse.ca

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