L'Agence métropolitaine de transport a frappé un double mur. Le Canadien National et le Canadien Pacifique, qui règnent en maîtres sur les chemins de fer du pays, refusent que le réseau de train de banlieue soit électrifié, un projet qu'ils jugent trop complexe, voire irréalisable.

L'AMT devrait-elle argumenter, affronter ces deux géants, pousser le combat plus loin quitte à demander l'aide du gouvernement? Non. Le conflit n'en vaut tout simplement pas la peine...

Tout le monde voudrait que les trains de banlieue qui sillonnent la région soient alimentés à l'électricité (propre et québécoise) plutôt qu'au diesel (cher et polluant). Mais soyons réalistes, le refus catégorique du CN et du CP, un duopole intraitable, oblige les autorités à s'interroger quant à l'importance qu'ils accordent à ce projet louable... mais beaucoup moins nécessaire qu'on pourrait le croire.

Le secteur des transports, il est vrai, est le plus important pollueur de la province: il émet la moitié de l'ensemble des gaz à effet de serre. Mais le rôle du transport collectif, dans ce bilan peu reluisant, mérite d'être relativisé.

D'abord, la moitié de tous les déplacements collectifs de la province se font en mode électrique. Ensuite, un usager émet quatre fois moins de CO2 par kilomètre parcouru qu'un automobiliste. Si bien que la part des émissions polluantes attribuables au transport en commun est minime, pour ne pas dire insignifiante: 0,3% des émissions totales...

D'où le nécessaire questionnement. A-t-on véritablement besoin d'investir 1,5 milliard en 10 ans (une facture sous-estimée) pour un projet de conversion énergétique qui n'aura qu'un infime impact sur le bilan environnemental de la province?

Poser la question, c'est y répondre.

Chaque réduction a beau compter, il importe de calculer le coût de chacune des mesures possibles afin de bien cibler les efforts et de choisir en priorité celles qui ont le plus d'impact. Clairement, l'électrification du réseau de train n'en fait pas partie.

Il vaut certainement la peine de favoriser l'électricité lors du choix de nouveaux moyens de transport en commun, lors de l'achat de nouveaux autobus, lors de l'implantation de nouvelles lignes de trains, comme les futurs trains de l'Est et de l'Ouest. Mais pour les lignes déjà existantes, convenons-en, l'électrification est un luxe...

En fait, s'il y a une chose que démontre ce énième conflit avec le CN et le CP, c'est bien l'importance que devrait accorder l'AMT, non pas à l'électrification de son réseau, mais à l'achat d'un nombre plus élevé de voies ferrées.

Propriétaire d'à peine 8% du réseau ferroviaire du Grand Montréal, l'AMT aurait en effet avantage à s'affranchir de ces deux géants, comme elle le fait discrètement depuis un peu plus de six ans, en acquérant des portions du réseau ici et là, en tentant d'acheter des lignes complètes comme celle de Deux-Montagnes.

Il est plus facile d'imposer ses priorités une fois propriétaire...

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