Plus d'un an après l'élection fédérale, l'appui au NPD se maintient à des niveaux élevés au Québec, à tel point que Thomas Mulcair envisage d'y implanter une version provinciale de son parti.

Le pari est risqué, mais il est jouable.

Pour être enfin perçu comme un «gouvernement en attente», le Nouveau Parti démocratique doit absolument s'enraciner au Québec et démontrer que la vague orange n'était pas qu'un événement ponctuel. Il doit ainsi prouver aux progressistes québécois qu'il les représente fidèlement à Ottawa, et aux électeurs canadiens, qu'il n'est pas l'otage des souverainistes.

Or, dans un contexte où tout ce qui est de gauche est nécessairement souverainiste au Québec, où la social-démocratie n'est servie qu'à la sauce indépendantiste, cela apparaît tout simplement impossible. D'où l'intention de trouver une place sur l'échiquier politique provincial pour les brebis égarées que sont les progressistes fédéralistes.

C'est d'ailleurs ce que les néo-démocrates avaient tenté de faire dans les années 80 avec la création du NPD Québec, une aventure prometteuse qui s'est toutefois butée aux chicanes constitutionnelles, lesquelles ont précipité sa chute.

Une nouvelle tentative, 30 ans plus tard, rencontrerait-elle les mêmes difficultés? Possible, mais avouons-le, le contexte a tout de même changé depuis la «Nuit des longs couteaux» ... Non seulement les moins de 35 ans n'ont pas souvenir du rôle qu'a joué le NPD à l'époque, il y a aussi une volonté de bien des électeurs de tourner le dos aux déchirements constitutionnels.

En ce sens, Thomas Mulcair, dont la course au leadership a pâti de l'absence d'une version provinciale du NPD, tenterait le coup de la CAQ, mais à gauche: offrir une plateforme exempte de chicanes existentielles pas très loin du centre.

Y a-t-il suffisamment de fédéralistes progressistes pour qu'une telle organisation remporte des élections provinciales? Probablement pas, mais étant donné que l'objectif est d'ancrer le NPD au Québec bien plus que d'y prendre le pouvoir, il s'agit d'une stratégie défendable.

D'ailleurs, un sondage Léger Marketing mené pour Le Devoir et The Gazette en octobre 2011 (avant la naissance de la CAQ) montre que la présence du NPD au Québec ne serait pas mal reçue, au contraire. Pas moins de 34% des répondants se sont dits prêts à voter pour un NPD Québec, des électeurs potentiels provenant de tous les partis.

Il y a loin de la coupe aux lèvres, évidemment. Les obstacles sont nombreux et les questions, multiples: reste-t-il de la place à gauche sur l'échiquier? Quels bailleurs de fonds se laisseraient séduire par un NPD Québec? Comment réagiraient les syndicats? Et quelle indépendance aurait ce petit frère (que M. Mulcair préfère d'ailleurs qualifier de «cousin»)?

En lançant sur la scène provinciale un parti qui pourrait demeurer marginal, voire mordre la poussière, le NPD jouerait gros. Mais il pourrait aussi démontrer, en cas de réussite, une rare capacité à bâtir des ponts.

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