Les villes se distinguent par leur identité. Jérusalem est indissociable de la religion. Paris est empreinte de romantisme. Berlin est reconnue pour sa tolérance. Et Montréal se démarque par la cohabitation harmonieuse de ses deux principales communautés linguistiques qui, ensemble, forgent sa singularité.

Or les relations entre francos et anglos sont actuellement mises à mal dans la métropole. Les premiers sentent leur langue de plus en plus menacée, tandis que les seconds déplorent sur les réseaux sociaux, dans les blogues et les journaux, parfois avec véhémence, faire les frais de ce durcissement linguistique.

Pourtant, l'un a bien peu à voir avec l'autre...

Vrai, le français est menacé par l'anglais dans certaines institutions. Le français peine parfois à conserver sa prédominance dans le milieu de travail. Les raisons sociales des multinationales minent le visage français du centre-ville. L'exode en banlieue des francophones dilue leur force sur l'île au moment où le nombre d'allophones augmente.

Autant de phénomènes que l'on peut lier à la compétitivité, à la mondialisation, à la démographie, beaucoup moins à la présence à Montréal d'une communauté anglophone minoritaire et largement bilingue.

Rien de tout cela, en effet, n'a à voir avec la cohabitation des francos et des anglos de Montréal. Rien de tout cela ne fait des Anglos-Montréalais une menace constante au français. Et rien de tout cela n'efface les progrès qu'ont accomplis les anglophones au cours des décennies.

Alors qu'à peine 3% d'entre eux étaient bilingues il y a 50 ans, ils sont aujourd'hui plus de 80% à soutenir une conversation en français. L'écrasante majorité d'entre eux estime important que leurs enfants parlent français. Ils s'installent en nombre grandissant à l'est du boulevard Saint-Laurent. Ils se marient nombreux à des francophones.

Si le Canada et le Québec n'ont plus rien à se dire, comme l'a soutenu Michael Ignatieff, on ne pourrait certainement pas en dire autant des anglos et des francos de Montréal, surtout pas les jeunes qui se côtoient davantage.

Néanmoins, on voit bien que cette cohabitation demeure fragile, pour des raisons émotives et historiques, évidemment. Mais aussi en raison du nombre insuffisant de ponts entre les communautés. D'où l'appel que nous avons lancé à quatre personnalités cette semaine (page ci-contre).

Hélas, aucune organisation politique ne s'attarde à cette question délicate. Les partis déplorent certes la situation, comme l'a fait récemment le PQ en «souhaitant que ces deux univers se côtoient davantage», mais ils ne poussent pas la réflexion plus loin.

Les élus s'attardent aux lois, à la contrainte, mais pas à leurs contrepoids, pourtant nécessaires. Ils laissent ainsi les relations s'agiter au gré des circonstances, ce qui explique en partie pourquoi les deux groupes, malgré une cohabitation harmonieuse, conservent une certaine méfiance qu'il importe, collectivement, d'atténuer.

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