En 1992, à la suite du Sommet de Rio, les conservateurs de Brian Mulroney se faisaient les pionniers du développement durable. Ils décidaient alors de marier deux éléments jusqu'alors opposés: l'environnement et l'économie.

Vingt ans plus tard, les conservateurs de Stephen Harper s'acharnent à détricoter cet important legs maille par maille, ramenant tranquillement le pays à l'époque où le développement ne pouvait qu'être une menace à l'environnement, et vice-versa.

Le dernier budget Flaherty en est la preuve la plus éclatante à ce jour. Certes, on s'est beaucoup attardés à l'affaiblissement des évaluations environnementales, mais plus évocateurs encore sont tous ces petits éléments passés inaperçus qui éliminent toute trace d'un passé plus vert.

Pensons à l'expression «développement durable» qui a disparu des documents fédéraux, dont le budget. Pensons aux compressions de près de 200 millions imposées aux ministères ayant vocation écologique.

Pensons à la traque aux groupes, principalement écologistes, qui émettent des opinions politiques. Ottawa a accordé 8 millions à l'Agence du revenu afin qu'elle débusque le financement étranger et les prises de position politique des groupes ayant le statut d'organisme de bienfaisance.

Et pensons à la disparition de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie (TRNEE), organisme fondé à la fin des années 80 par le gouvernement Mulroney... en même temps que feu Droits et Démocratie.

La TRNEE, pourtant, jouait un rôle stratégique important en réunissant à une même table spécialistes et dirigeants d'entreprises. Le gouvernement avait ainsi accès, pour 5 millions, à un forum national pouvant l'aider à concilier de front les impératifs économiques et environnementaux.

La mise à mort de cette organisation n'a rien de surprenant. Elle s'inscrit dans une politique de la terre brûlée qui vise à éliminer tout avis, expertise ou conseil indépendant qui pourrait contredire les gestes et discours des conservateurs.

Mais cette disparition n'en est pas moins désolante. D'abord parce qu'elle revient à opposer à nouveau la prospérité, souhaitée par le gouvernement, et l'intendance de l'environnement, recherchée par ses «ennemis». Ensuite parce qu'elle risque de nuire à cette croissance que l'on souhaite, ironiquement, faciliter.

Voilà le message récurrent du Conference Board, de l'OCDE et même du gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, pour qui il est impensable de croître au XXIe siècle en évacuant la contrainte environnementale. Ce dernier a même averti le gouvernement, lundi, qu'il ne pouvait espérer augmenter ses exportations de ressources naturelles sans s'assurer, d'abord, que leur exploitation se faisait de façon... durable.

En juin prochain, les membres des Nations unies se réuniront à nouveau à Rio pour célébrer le 20e anniversaire du sommet et pour relancer l'effort planétaire vers un développement plus durable. Le pionnier, cette fois, s'y présentera en détracteur.

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