Le gouvernement Charest a dévoilé, dimanche, la nouvelle stratégie contre l'intimidation et la violence à l'école. Il réitère ainsi, deux mois après le suicide de la jeune Marjorie Raymond, son intention de s'attaquer à ce fléau.

Le geste est louable. Mais difficile d'y voir beaucoup plus qu'une annonce pré-électorale...

Dévoilée en grande pompe par le premier ministre et trois de ses ministres, la nouvelle stratégie s'inspire beaucoup de la précédente, annoncée... quelques mois avant les dernières élections.

En avril 2008, il s'agissait d'un «plan d'action»: le gouvernement s'engageait à contraindre chaque école à agir, à réaliser un vaste portrait de la violence à l'école et à consacrer 17 millions$ à cette fin.

Aujourd'hui, il s'agit d'une «stratégie de mobilisation»: le gouvernement s'engage à contraindre chaque école à agir, à réaliser un vaste portrait de la violence à l'école et à consacrer 18 millions$ à cette fin...

On relance ainsi, sous un autre nom, les éléments, budgets et promesses d'un plan d'action qui, aux yeux de nombreux acteurs du milieu scolaire, a échoué faute d'ambition!

Il est vrai, il ne s'agit pas d'un copié-collé au mot près. Le précédent document contraignait les écoles à se doter d'un plan d'intervention, ce que les deux tiers ont fait, alors que l'actuelle stratégie enchâssera «l'obligation d'intervention» dans la loi.

Il s'agit d'un pas en avant, clairement: on passe désormais de la sensibilisation à l'action, on responsabilise l'ensemble des intervenants, on rend imputables les directions d'école et les commissions scolaires.

Bien. Mais il n'y a pas plus de ressources pour autant: les écoles n'ont pas plus d'argent pour s'organiser, les enseignants ne sont pas mieux formés pour reconnaître le harcèlement et les spécialistes (psychologues, psychoéducateurs, travailleurs sociaux) sont toujours en nombre insuffisant.

Or comment forcer des gens déjà à bout de souffle à accroître leur vigilance, à réagir en 48 heures, à assurer un suivi plus serré sans ajouter quelque aide que ce soit? À quoi aura servi le vaste débat déclenché par le suicide de Marjorie Raymond? À quoi bon avoir disséqué la réponse des autorités scolaires... si aujourd'hui on ne fait que reconduire un plan, la contrainte en plus?

Certes, les budgets de l'éducation ne sont pas infinis et les priorités, nombreuses. Mais rappelons que l'argent investi pour contrer l'intimidation ne fait pas qu'apaiser des drames humains, il s'attaque aussi au décrochage.

En réduisant les risques de harcèlement, de menaces et de cyberintimidation, on réduit en effet ses conséquences immédiates (perte d'estime de soi, dépression, tendances suicidaires) mais aussi indirectes (baisse du rendement scolaire, absentéisme, échec).

Il faudra voir le détail du projet de loi pour mieux saisir les intentions gouvernementales. Mais pour l'heure, on voit difficilement comment les rares bonifications à la stratégie en feront, cette fois, un succès.

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