À la suite d'un premier texte publié jeudi, voici un second éditorial sur Kyoto, le Canada et la suite des choses.    

Le gouvernement Harper a mis une croix sur Kyoto, mais pas sur son engagement de réduire les émissions de gaz à effet de serre au pays.

Dans un tel contexte, une politique nationale unifiée sur le prix du carbone s'impose, comme nous l'avons vu jeudi. Mais cette proposition se heurte néanmoins au dogmatisme des conservateurs, qui y objectent trois contre-arguments.

À leur avis, une taxe sur le CO2 hypothéquerait l'avenir du secteur pétrolier, nuirait à l'Alberta et minerait la compétitivité du Canada par rapport aux États-Unis. Or c'est faux, trois fois plutôt qu'une.

D'abord, l'imposition d'une taxe unique sur le carbone éliminerait le pire ennemi de l'industrie: l'incertitude. En jouant de promesses sans proposer de moyen pour les honorer, le gouvernement Harper laisse en effet planer un flottement qui pourrait bien nuire aux investissements à long terme, surtout dans un contexte où l'économie vacille et le projet Keystone XL est sur la glace. Voilà pourquoi les chefs d'entreprises canadiens «appuient massivement» (overwhelmingly) l'idée d'un prix sur le carbone, comme le révèle un récent sondage de l'organisme Sustainable Prosperity.

Ensuite, un prix sur le carbone pourrait certes gruger une part infime des profits des pétrolières, mais pas suffisamment pour les faire fuir. D'autant qu'un peu partout dans le monde, les bourses et taxes sur le carbone se multiplient. Mieux, les entreprises, dont plusieurs sont étrangères, seraient incitées à investir localement pour diminuer le coût engendré par leurs émissions polluantes et ainsi, moderniser leurs équipements et développer des énergies renouvelables d'appoint. Cela permettrait de diversifier l'économie albertaine, très dépendante de la seule extraction des hydrocarbures.

Dernier point: l'interconnexion entre le Canada et les États-Unis, argument massue des conservateurs pour justifier leur laxisme. Séduisant à première vue, ce raisonnement a toutefois été réfuté par nul autre que le Conference Board et l'Institut CD Howe.

Le premier soutient qu'Ottawa aurait avantage à agir avant Washington afin de «stimuler le développement et la commercialisation de technologies canadiennes respectueuses du climat.» Le second va plus loin et soutient qu'une stratégie commune entre les deux pays pénaliserait le Canada, qui aurait ainsi à assumer une facture beaucoup plus élevée que son voisin. Il encourage donc le pays à agir sans délai.

Y aurait-il néanmoins des contrecoups à l'imposition d'une taxe sur le carbone? Certainement, mais toutes les études montrent que ces répercussions se limiteraient à quelques industries. Et elles seraient beaucoup plus gérables à long terme, pourrait-on ajouter, que les mesures protectionnistes qui se multiplieront si le Canada demeure les bras croisés.

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