C'est une chose d'annoncer la mort de Kyoto. C'en est une autre de lui porter le coup fatal.

En laissant courir la rumeur d'un éventuel retrait du Canada du protocole de Kyoto, le gouvernement Harper passe de simple trouble-fête à fossoyeur potentiel des négociations internationales sur le climat.

Déjà, en 2007, les conservateurs avaient annoncé que le Canada n'atteindrait pas sa cible de réduction des gaz à effet de serre, soit une réduction de 6% sous le niveau de 1990. Seul pays au monde à renier son engagement, il avait alors ouvert une brèche par laquelle d'autres pays se sont depuis engouffrés, officieusement.

Que le Canada renonce à son objectif est désolant, on s'entend, mais ce n'est pas un drame à l'échelle planétaire. Avec un peu moins de 2% des émissions mondiales, le pays partage surtout, avec le reste du monde industrialisé, une responsabilité historique par rapport aux changements climatiques.

En revanche, qu'Ottawa se retire carrément de Kyoto risque d'être catastrophique. Car une telle décision ne minerait pas autant le protocole, dont l'échéance sera atteinte l'an prochain, que le processus de négociations comme tel.

Or si Kyoto est bel et bien moribond, comme l'affirme le gouvernement Harper, le processus, lui, est bien vivant.

La preuve en est la tenue de cette conférence de deux semaines à Durban, qui réunit plus de 190 pays autour du défi climatique. Une conférence qui s'inscrit dans une lignée ininterrompue depuis maintenant 17 ans (c'est la 17e sous l'égide de la convention-cadre de l'ONU sur les changements climatiques, la 7e sous Kyoto).

Vrai, la communauté internationale ne réussit pas à respecter l'objectif du protocole, pas même à réduire ses émissions d'une seule tonne, en chiffres absolus. Elle peine aussi à s'entendre sur les suites à donner à la première phase de Kyoto. Mais au moins, elle continue de discuter, en rangs serrés, de la lutte contre les changements climatiques. Et cela est plus important que tout le reste.

Il faut se rappeler que le grand mérite du protocole élaboré en 1997 n'était pas autant son contenu que son existence. Pour la toute première fois de l'histoire, la communauté internationale signait un traité climatique contraignant, ce que plusieurs voyaient comme une première étape nécessaire vers un accord plus englobant - toujours contraignant - après 2012.

Voilà précisément ce que le gouvernement Harper risquerait d'empêcher s'il mettait une croix sur Kyoto, par le précédent créé, mais aussi par l'effet d'entraînement qu'il pourrait provoquer, tuant ainsi dans l'oeuf l'idée même d'un accord international aux objectifs obligatoires. La Russie et le Japon n'attendent que cela.

Le gouvernement Harper a raison d'évoquer l'inefficacité de Kyoto et l'importance d'inclure les principaux émetteurs de la planète dans une éventuelle suite au protocole. Mais il faut une bonne dose d'hypocrisie pour soutenir, d'un côté, que tous les pays doivent être de la partie... et de l'autre, empêcher qu'une telle situation survienne.

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