Le ministre Tony Clement a profité de la tenue du sommet du G8, l'an dernier, pour saupoudrer 50 millions $ dans sa circonscription, puisés à même les coffres de l'État. Il s'agit d'une utilisation fort douteuse des fonds publics qui mérite plus que les quelques réponses évasives entendues jusqu'ici...

Déjà, en juin dernier, le vérificateur général (VG) concluait que les dépenses faites dans la région de Parry Sound-Muskoka étaient «inhabituelles» et «inquiétantes». Une multitude de projets sans lien avec la conférence avaient été financés, dans des villes situées à plus d'une heure de route de l'événement, sans que l'on sache qui avait pris la décision, sous quelle autorité et selon quels critères.

En fait, on ne savait que deux choses: d'où provenaient les fonds, et où ils avaient été investis. Ce qui avait d'ailleurs permis au premier ministre Harper de faire fi de cette controverse sous prétexte que «tout l'argent peut être retracé» (tous les fonds du scandale des commandites aussi, mais passons...).

Il existait donc jusqu'ici un grand trou noir... que viennent enfin combler les documents révélés cette semaine par le NPD, grâce à la loi sur l'accès à l'information. Des documents qui permettent de croire que la frontière entre la politique partisane et le travail gouvernemental a été allègrement piétinée par les conservateurs.

Récapitulons. Tout débute en 2008, alors que le Canada annonce que le sommet du G8 de 2010 aura lieu à Huntsville, dans la circonscription de Tony Clement. Ce dernier invite alors les maires de la région à transmettre des projets en vue d'un éventuel financement. Condition inhabituelle toutefois: les demandes doivent être acheminées à son bureau de député...

L'année suivante, le gouvernement dépose au Parlement un «budget supplémentaire des dépenses», un fourre-tout comprenant notamment un fonds visant à «réduire l'engorgement à la frontière». Les députés avalisent, sans savoir que l'enveloppe doit servir à embellir des villes situées à plus de... 200 kilomètres de la frontière!

Les 50 millions $ ainsi dégagés, Tony Clement se consacre au choix des projets. Mais il le fait sans que l'on sache trop si c'est à titre de député ou de ministre de l'Industrie. Une situation d'autant plus floue que le processus de sélection implique des employés de son bureau de circonscription... et des fonctionnaires d'un organisme de développement régional relevant de son propre ministère!

On se retrouve face à un ministre dont on ne sait s'il travaille pour sa réélection ou pour le bien public, une caisse à la provenance douteuse et un processus de distribution des fonds qui ne respecte aucune règle connue.

On aurait voulu contourner les mesures de reddition de compte les plus élémentaires qu'on ne s'y serait pas pris autrement...

Le gouvernement Harper rétorque qu'il y a eu enquête du VG en bonne et due forme. Mais les révélations faites cette semaine prouvent le contraire. Non seulement le VG n'a pas eu accès aux documents qui sommeillaient au bureau du député Clement, mais il a aussi eu droit à une version des faits contredite par ces mêmes documents.

Le NPD parle de «magouille» et de «caisse occulte». Le PLC, d'une «apparence de détournement de fonds». Des accusations graves qui ne pourront être dissipées qu'au terme d'une enquête plus approfondie du vérificateur général.

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