Le gouvernement Legault, qui a accepté de retirer le critère de fin de vie de la loi québécoise sur l’aide médicale à mourir (AMM), devrait en profiter pour régler deux autres problèmes. D’abord s’assurer que les demandes de patients n’ayant pas reçu l’AMM seront analysées pour repérer et corriger les situations où les malades sont lésés. Ensuite, exiger que toutes les maisons de soins palliatifs permettent à leurs patients de recevoir ce soin sur place au lieu de les obliger à demander un transfert ailleurs.

On remercie Québec d’avoir entendu raison. En renonçant à en appeler du jugement de la Cour supérieure et en acceptant de corriger sa Loi concernant les soins de fin de vie, il rétablira l’accès à l’AMM pour des malades qui en étaient injustement privés.

Malheureusement, d’autres obstacles empêchent encore des Québécois admissibles à l’aide médicale à mourir de s’en prévaloir. 

Lesquels, et comment y remédier ? Des histoires d’horreur, rapportées dans les médias ou par des médecins, nous en donnent un aperçu, mais pour bien cerner les problèmes, il faudrait fouiller les demandes refusées ou non exécutées.

Il y a de quoi faire : le tiers (34 %) des demandes formulées par écrit n’ont pas mené à l’AMM, signalait la Commission sur les soins de fin de vie au printemps.

La Commission a regardé les explications fournies, mais elle n’a pas vérifié si les refus étaient tous justifiés ni si des patients avaient été victimes de pratiques fautives (pressions pour les inciter à retirer leur demande, informations inexactes, suivi déficient, etc.) Et c’est sans compter toutes les demandes exprimées verbalement, mais pour lesquelles aucun formulaire n’a été rempli – combien de malades potentiellement admissibles ont été dissuadés de faire une demande écrite ?

La Commission a recommandé aux établissements d’analyser leurs procédures et d’appliquer les correctifs nécessaires. Mais s’en remettre à ceux qui sont à la fois juge et partie n’est pas le moyen le plus efficace de s’assurer que tous les Québécois ont l’accès auquel ils ont droit.

Il serait préférable que la Commission réalise un examen indépendant des refus et autres demandes n’ayant pas eu de suite, comme elle le fait déjà pour les cas où l’AMM a été administrée. Oui, cela ajouterait à sa tâche. Mais comme on l’a vu dans ses deux derniers rapports, les dérapages redoutés par certains n’ont pas eu lieu. Ils n’ont pas non plus été démontrés dans des pays ayant une plus longue expérience de l’AMM, comme la Belgique et les Pays-Bas, a souligné la juge de la Cour supérieure Christine Baudouin dans l’affaire Gladu-Truchon.

Il y a donc lieu de s’interroger sur le mandat de la Commission.

Au lieu d’ausculter chaque cas où l’aide médicale à mourir a été prodiguée, ne serait-il pas plus urgent de se pencher sur ce 34 % de demandes n’ayant pas eu de suites, puisque c’est plutôt là que des patients vulnérables semblent être lésés ?

La situation s’améliore du côté des maisons de soins palliatifs, désormais plus nombreuses à accepter que leurs patients reçoivent l’AMM chez elles – c’est sans doute pourquoi la proportion de cas administrés dans ces maisons a légèrement augmenté. Mais plusieurs s’y refusent encore, forçant les demandeurs à aller mourir ailleurs… ou à renoncer à l’AMM.

Ces maisons ont beau être des organismes communautaires, et ne recevoir que de 45 à 50 % de leur financement du ministère de la Santé, elles touchent quand même 75 000 $ par lit. Il n’est pas normal que les malades extrêmement diminués qu’elles hébergent soient placés devant un choix si déchirant.

Québec semble heureusement prendre la situation très au sérieux. Le Ministère a demandé à ces centres de reconsidérer leur refus et de communiquer la position officielle de leur conseil d’administration d’ici la fin mars. Ce sera à suivre, car les maisons qui refusent l’AMM dans leurs murs posent un obstacle démesuré à l’accès.

Le fédéral devant lui aussi modifier sa loi pour éliminer son critère, tout aussi injuste, de « mort naturelle raisonnablement prévisible », Québec ne pourra faire autrement que d’échanger avec Ottawa au moment d’ajuster sa propre loi. Mais pour s’attaquer aux résistances à l’accès dont se plaignent les malades et leurs proches, nul besoin d’attendre après quiconque. Le gouvernement Legault devrait s’en occuper sans tarder.

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