Le premier ministre s’excusera-t-il, et comment ?

Après la publication du rapport Viens qui dénonce la discrimination systémique des autochtones par les services publics québécois, les regards sont braqués sur François Legault, dont la réaction officielle est attendue demain. Si des excuses paraissent inévitables, elles ne trouveront de sens que dans les efforts concrets qui s’ensuivront.

Des excuses publiques « pour les préjudices causés par les lois, les politiques, les normes ou les pratiques des services publics » aux membres des Premières Nations ainsi qu’aux Inuits ? Le gouvernement Legault peut remercier le président de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics du Québec. En faisant de cette recommandation la première de son rapport, l’ex-juge Jacques Viens lui a grandement facilité la tâche. S’excuser du passé est en effet assez facile pour un gouvernement, à plus forte raison pour celui de la CAQ qui, n’ayant jamais été au pouvoir, n’a pas à craindre de se faire remettre des manquements sous le nez.

Une fois cette première recommandation suivie, par contre, il en restera encore 141 autres nettement plus difficiles à réaliser.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

« Le premier ministre s’excusera-t-il, et comment ? », demande notre éditorialiste.

Ce rapport « ne reconnaîtra jamais la tablette parce qu’il n’aura pas le temps d’y aller », a promis la ministre responsable des Affaires autochtones en conférence de presse, hier.

Sylvie D’Amours et ses collègues Geneviève Guilbault (Sécurité publique) et Lionel Carmant (Santé et Services sociaux) se sont rendus à Val-d’Or pour l’occasion, mais ils n’y ont pas pris d’engagements. Ça ira au 17 octobre après une grande rencontre avec les leaders autochtones. Et encore, plusieurs problèmes devront encore attendre. La vice-première ministre Geneviève Guilbault a en effet été claire : il faudra établir des priorités.

Devant quelque 140 recommandations, ça semble en effet inévitable.

Par où commencer ? De toutes les mesures proposées, une sur six touche tous les services examinés, note l’ex-juge Viens. Ce serait un bon début. 

Ces services ratissant très large (police, justice, services correctionnels, protection de la jeunesse, santé et services sociaux), s’attaquer d’abord aux problèmes communs permettrait de générer un maximum de retombées en un minimum de temps.

Avec plus d’un millier de témoignages recueillis de vive voix ou par écrit, la Commission a livré un rapport de plus de 520 pages dont la synthèse occupe à elle seule 122 pages. Nous n’entrerons donc pas ici dans le détail des constats et des recommandations, mais un élément central mérite d’être souligné : ce que le commissaire Viens appelle la « méconnaissance généralisée ».

Rarement exposée et peu fréquentée, la réalité des autochtones demeure en effet largement incomprise de la population générale. Pas étonnant que des services publics conçus par et pour la majorité ne collent pas aux besoins bien particuliers des Premières Nations et des Inuits.

Les directions de protection de la jeunesse, par exemple, ne tiennent pas suffisamment compte de l’importance de la famille élargie, mentionne l’ex-juge Viens. La notion de bien-être de l’enfant, qui est centrale dans la loi, gagnerait sans doute à être élargie pour tenir compte du fait que déraciner un enfant autochtone ne contribue en rien à son bien-être…

Des formations pour les employés de l’État sont en cours d’élaboration ou déjà offertes, ont indiqué les ministres D’Amours et Carmant. C’est le plus pressant, mais ce type de sensibilisation devrait être intégrée à tous les programmes dont les futurs diplômés sont susceptibles d’interagir un jour avec des Inuits ou des membres des Premières Nations.

Dans ce cas comme dans celui de l’enquête fédérale sur les disparitions de femmes autochtones, c’est le suivi qui sera déterminant. Le confier au Protecteur du citoyen, comme le suggère le rapport Viens, est une excellente idée, car les titulaires de ce poste, qui sont indépendants du gouvernement, ont l’habitude de faire le suivi de recommandations et de dénoncer l’inaction des élus. Et l’embarras, à la longue, finit souvent par donner quelque résultat.

Voyez les conclusions de la commission d’enquête

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